Culturel



" L'analyse d'une Oeuvre "                      

                   par François Walgenwitz        francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Edouard Hirth 



Le landau, vers 1910

Edouard Hirth 20
Huile sur toile (55 x 46 cm) - Collection particulière
© J.-L. Muller


    Ce tableau a été peint dans la maison familiale des Hirth à Sarrebourg, comme de nombreuses scènes d’intérieur des années 1907-1911

    C’est l’été. Un sentiment de paix ensoleillée nous envahit à la contemplation de cet intérieur dédié à l’enfance.

    La prise de vue en contre-plongée nous place dans la position de l’enfant: la petite armoire paraît bien haute et la fenêtre inaccessible…Les tonalités qui s’accordent, se juxtaposent dans leurs valeurs naturelles, intrinsèques. Elles témoignent de la quête de subtilité des nuances, souci récurrent de toute la carrière d’Edouard Hirth qui n’emploie jamais deux fois la même nuance d’une même teinte.

    A l’intérieur de la chambre d’enfant se conjugue harmonieusement une gamme variée de tons chauds. Exclusivement chauds… Elle contraste avec les tons froids que la fenêtre ouverte laisse entrevoir. Les rideaux en assurent la liaison. Car, point de conflit, la sérénité, au contraire, triomphe: la fraîcheur de la nature environnante est l’alliée de la douceur du foyer.

    Le landau, un élégant modèle des années 1900 – 1910 et les habits jetés sur le dossier de la chaise, attestent la présence de la mère et de l’enfant. La poupée campée bien droit, attend sagement. En quelques touches délicates, «vibrations colorées», le peintre en traduit la vivante beauté.

    Les poupées reviennent dans plusieurs œuvres d’Edouard Hirth. Deux raisons semblent expliquer leur présence. Les «circonstances et l’environnement familial» (*) d’une part, leur valeur symbolique et leur appartenance à l’art chinois et japonais d’autre part. Dans «Le Landau», la poupée évoque, par défaut, la présence de la jeune sœur de l’artiste, Joséphine, née en 1900. Il a plusieurs fois fait son portrait avec cette poupée. «Dans d’autres cas, je dirais qu’il y a un lien évident avec le goût prononcé de mon grand-oncle pour le thème de la vanité. Les poupées qui matérialisent une forme inanimée, lui sont souvent associées.»(*) La preuve la plus éclatante nous est donnée par cette étrange nature morte reproduite, malheureusement en noir et blanc, dans la revue des années 1930, «Schauinsland» et dont on ignore à qui elle appartient aujourd’hui…Dans cette huile, apparemment de petite taille, deux poupées, s’appuient contre une tête de mort. Celle-ci paraît disproportionnée: elle s’impose, symbole de l’inéluctable!... L’évocation de la vanité est avérée. Ce tableau est un «memento mori». Les poupées portent le kimono traditionnel, vêtement rectiligne, tombant jusqu’aux pieds, aux manches très longues, tenu en place par une large ceinture nommée Obi. Ce sont des poupées japonaises. «Ce choix ne doit rien au hasard, il est lié au vif intérêt porté par mon grand-oncle à l’Asie» (*).


Edouard Hirth 21
Nature morte
© Photo F. Walgenwitz


    «Le Landau» est un bel exemple de ces «tableaux d’Edouard Hirth, qui pénètrent dans nos intérieurs et qui, dans le décor de notre vie quotidienne, deviennent insensiblement des amis sûrs et intimes, qui ne déçoivent jamais et dont, chaque jour, on découvre quelque qualité nouvelle. Ils irradient un charme d’autant plus efficace qu’il est à retardement et ne provient point du sujet traité, mais de la manière même dont le sujet a été étudié, senti, exprimé.» (**)



                                                                                                                                                                                                                                                                                                      Edouard Hirth 22


Source:

- Entretien avec Monsieur Jean-Léon Muller (*). Avec mes chaleureux remerciements.

- Marc Lenossos – Physionomie d’artiste: Edouard Hirth – La Vie en Alsace, 1935



 
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