Culturel



" L'analyse d'une Oeuvre "                      

                   par François Walgenwitz        francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Guy Untereiner 



La jeune fille à la natte



Guy Untereiner 40c

 

D’emblée, le spectateur est sensible à l’économie de moyens mis en œuvre dans ce portrait en buste. Mais, en fait,  s’agit-il d’un portrait ou d’un exercice de style? On apprécie l’extrême élégance du sujet dû au respect des proportions, à la perfection des traits, notamment du nez, si difficile à restituer…

La figure semble se fondre dans le dénuement ambiant: un fond gris uniforme, bien que pâlissant par endroits.  La sobriété de l’ensemble est telle qu’au premier abord, il semble d’une monotonie ingrate, accentuée par l’absence de lumière, la neutralité du modelé. Seule la chevelure noire aux reflets de jais, aux mouvements naturels attentivement observés, impose son volume.

    Il donne l’illusion d’une certaine fadeur parce que sa palette est réduite à l’extrême. Cependant, celle-ci se décline en nuances si naturellement apparentées que le regard glisse de l’une à l’autre, avec une aisance qui sied admirablement à l’expression du visage. Il suffit de lui consacrer un peu de temps. A mesure que les minutes passent, le portrait prend vie. Ce n’est pas par hasard que Guy Untereiner a choisi la pose de ¾ initiée par les peintres flamands car elle seule permet d’exploiter la dimension psychologique du regard.  En l’occurrence: regard perdu, mais regard vivant, expression d’un sentiment ambigu de tristesse, d’attente, de lassitude, regard intérieur focalisé sur le déroulement d’un film intime…

    Au-delà de la maîtrise du dessin dont Guy fait preuve ici – difficulté sans précédent quand il s’agit du portrait, la physionomie demeurant le terrain d’une grande précision – l’intérêt du tableau réside dans la vie que l’artiste a su insuffler  à cette jeune femme réelle ou imaginée, la prodigieuse expression au seul moyen de traits bien placés.

    Question cruciale: à partir de quel moment de la gestation de ce tableau, l’artiste parvient-il à transcender les traits de son crayon, à réussir cette métamorphose magique qui va faire de la matière cet être vivant qui nous fascine? Par quels truchements passe-t-il des formes et des taches de couleur à l’esprit, à la pensée, à une présence? La relation mystérieuse, amoureuse (?) qui s’établit entre l’artiste et son sujet, fait de lui un créateur au sens biblique, en référence à l’oeuvre du sixième jour, un démiurge.

        S’agit-il d’une image qu’il portait en lui et qu’il fixe spontanément sur la toile? On aimerait le croire. En tout cas, il y a quelqu’un derrière l’image figée du portrait, qu’on aimerait rencontrer pour connaître le fond de sa pensée, engager le dialogue. Chaque contemplateur serait ainsi amené à construire son propre scénario:

        - Bonjour «Tristesse»

        - Mais, je ne suis pas triste. Pas de regrets, pas de déception, pas de blessure sinon des cicatrices…

        - Il est vrai que je discerne à la commissure de vos lèvres un soupçon de sourire que renvoie le bleu si tendre et si pur de vos yeux.

      - Oui, ce que vous lisez sur mon visage est une forme de sérénité, une sérénité grave, lucide, sans illusions. Je connais la vie, je suis consciente du monde qui m’entoure. Mais je suis en paix avec moi-même: la paix de l’âme…

 

Nous nous abandonnons volontiers à la douceur de ce portrait qui nous touche par la vérité soudaine de son demi-sourire, de son air absorbé, de son charme.




                                                                                           
Guy Untereiner 41c


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