Culturel



" L'analyse d'une Oeuvre "                      

                   par François Walgenwitz        francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Many Benner 
 

Femme nue, accoudée



Many Benner 73c.jpg

Huile sur toile

(46x56cm)

 

    Ceci n’est pas un tableau mais une version inédite de la création de la femme, une Eve dégagée de sa gangue originelle, tellurique. La naissance de la beauté et de l’harmonie. La victoire sur le chaos

    Et pour cette raison, Many Benner est bien plus qu’un artiste peintre, il est un démiurge, un nouveau Prométhée auquel Zeus aurait commandé cet ultime parangon d’une Vénus idéale.

    Comme Auguste Rodin, en sculptant l’Aurore ou la Danaïde, fait surgir du marbre non dégrossi le poli du visage ou la forme pure du galbe qui prend vie, Many Benner cerne la nudité fragile de son modèle de traits noirs qui accentuent son émergeance de la matière inerte, d’apparence minérale, traitée à grands coups de pinceau qui apposent les granités sauvages d’une surface brute mais épurée, comme le silence sidéral des nudités du désert et qui réverbère juste assez de lumière pâle et froide aux reflets d’argent.

Ce décor ascétique, ou plutôt, cette négation du décor, à la fois subtile et moderne, cette scénographie sciemment occultée est le plus efficace faire-valoir de l’esthétique du corps féminin, en l’occurrence, le teint, la carnation de la jeune femme aux nuances vraies, délicatement dosées.

Elle n’a pas cette pâleur blafarde de la Vénus au miroir de Vélasquez ni les tons cuivrés des silhouettes corpulentes des Baigneuses de Renoir, «ses poupées de suif…» En revanche, Many Benner s’applique à restituer l’harmonie naturelle, fidèle à sa palette de modelés couleur chair. Cette carnation très réaliste, cet épiderme sans défaut est parfaitement lisse au point que l’on se demande quel pinceau magique a pu conduire à cette perfection…

Dans son registre des nus, le dessin doit conserver la prépondérance sur la couleur. D’ailleurs, le dessin a toujours occupé, à l’Ecole,  une position centrale stratégique, obligatoire, ce que Many Benner respecte. Il suit, en cela, les préceptes de Charles Blanc selon qui la couleur joue dans l’art le rôle du sentiment dans la mesure où elle est soumise au dessin. Comme le sentiment doit l’être à la raison.

    Many Benner possède le «métier» du dessin sans s’en prévaloir. Mieux on le possède moins on le montre pour laisser sa juste part à la couleur qui donne la vie en animant le visage du modèle. La ressemblance semble délaissée au profit de l’approfondissement d’un type de femme inédit. Son regard songeur, la mélancolie de son demi-sourire sont l’expression de la vérité, de la sincérité d’un état d’âme…. Point de coquetterie ni de séduction de «vanité au miroir». Et le flou n’a pas pour but de masquer la maladresse du dessin comme chez Renoir…

 

    Plus sentimental que sensuel, ce nu nous interpelle par sa finesse d’évocation et sa portée philosophique que nous ne faisons qu’entrevoir. Many Benner en a gardé la clé…


                                                                                           
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