Culturel




" L'analyse d'une Oeuvre "                      

par François Walgenwitz      francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Maurice Ehlinger 

(1896 - 1981)


Nu allongé de dos
 
Huile sur toile – (81 x 100 cm) – 1963 - Pierrette
Collection particulière

 
 
 « Interprète subtil de la beauté féminine, jamais lassé de la beauté des corps, l’artiste a su donner à ces visages, à ces gorges arrogantes aux peaux ambrées, délicatement teintées de rose, ce lustre que l’on voit aux fleurs. Les chairs blondes, potelées et fuselées de ses modèles, lissées comme le vase sous la main du potier, attirent les irisations de la lumière sur les peaux au tendre grain. Les corps s’étalent librement, voluptueusement, mêlant à la fois sensualité et idéalisation. Tous ces nus captent le regard! Qu’il s’avère difficile, le choix…»

(Yvette Masson – «Les Dépêches» juillet 1972)



    Le mien s’est arrêté sur ce «Nu allongé de dos» parce qu’il inspire le désir et non un quelconque assouvissement, parce qu’il présente une composition savamment étudiée et parce que cette scène est marquée du sceau de la grâce et de l’élégance.

    Sur un fond où dominent les droites horizontales, s’étire un mur lambrissé aux tons assourdis d’une discrète gamme de bruns. Les revues qui reposent sur une étagère captent un peu de lumière. Sous son ombre large, presque noire, un livre ouvert, à la tranche brillante, supporte une longue baguette énigmatique, seule ligne oblique. Un rideau, d’un bleu sobre, velouté, aux larges plis, descend et repose mollement sur le bord du lit. Il masque en partie un tableau qui représente une nature morte qui, lui-même, en masque un autre, plus petit. Cette disposition donne un bel effet de profondeur.

    Le drap blanc aux plis ombrés de gris, de brun clair et de bleu tendre, naturellement disposés, reçoit le corps étendu de la jeune fille et le met en valeur. Sa carnation hâlée aux teintes chaudes, irisées, est admirablement galbé grâce au clair obscur. Et une douce lumière caresse son grain de peau que l’on devine particulièrement fin. De part et d’autre de la jeune fille, reposent deux pans de couverture aux tons mordorés, très chauds qui suggèrent une ambiance feutrée, confortable…

    La lumière tamisée d’une belle après-midi d’été éclaire juste ce qu’il faut ce charmant désordre pour faciliter et prolonger à loisir l’assoupissement  de la jeune fille. Ainsi allongée, étirée, elle occupe parfaitement l’espace du tableau. Elle n’est  pas sans rappeler, de par sa posture,  la Vénus de Vélasquez à laquelle on aurait retiré le miroir et le cupidon ailé et qui se serait endormie dans la quiétude et la certitude de sa parfaite beauté et dont la douceur des traits, la courbe des hanches, la pureté des lignes n’ont pas besoin de l’épreuve d’une psyché Elle n’a pas la pâleur de  la déesse, son corps est gorgé de soleil; elle aime le grand air.

    C’est le silence que le peintre respecte scrupuleusement de ses gestes et des manipulations de ses brosses. C’est un monde serein d’où toute violence est bannie…L’équilibre admirable des formes, des lignes, des volumes et des couleurs, fait de ce tableau une œuvre aboutie, d’une esthétique irréprochable, un exemple de perfection, un miracle de l’œil et de la main, le résultat d’une pensée classique au service de l’élégance, de la séduction, de la vie…


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