Culturel



" L'analyse d'une Oeuvre "                      

                   par François Walgenwitz        francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Robert Kammerer 

(1882-1965)



© "Amis de Thann"
Esquisse



© "Amis de Thann"
Thann sous la neigeHuile sur toile – Collection particulière


 

    Robert Kammerer nous offre la rare occasion d’assister à la genèse d’un tableau. Il est, en effet, intéressant de voir comment,  à partir d’un croquis tracé à la hâte, l’artiste parvient à optimiser la composition, à exprimer ce style qui n’appartient qu’à lui, à créer, à travers la couleur et la lumière, l’atmosphère recherchée, à donner vie à son ébauche.

    En confrontant les deux, on constate que chaque élément pris à part est assez fidèlement reproduit notamment les arbres qui gardent leur allure, leur mouvement. Par contre, les discrètes taches sépia qui traversent l’esquisse et qui sont censées suggérer une certaine profondeur, ne sont guère respectées dans le tableau finalisé.

    Considérée isolement, l’esquisse a valeur d’œuvre d’art: une composition équilibrée, une profondeur parfaitement lisible, une répartition harmonieuse des composants de l’agglomération dans leur écrin végétal. Mais, elle perd bien des attraits, comparée à l’œuvre définitive où la main de l’artiste fait merveille, où son expérience, sa sensibilité, son sens artistique s’expriment magistralement.

    Tout d’abord, on remarque qu’il augmente considérablement la hauteur de la toile, donnant ainsi au massif montagneux et à ses ondulations une majesté, une ampleur, on pourrait dire une légèreté, qui confèrent à l’ensemble un équilibre parfait. Cet élan vers le ciel est étayé par l’imposante silhouette de l’arbre qui se dresse au premier plan et dont la ramure tortueuse est adroitement travaillée.

    Par ailleurs, le triangle bleuté aux nuances fraîches, acidulées, «de saison» pourrait-on dire, qui symbolise l’ubac, s’oppose aux coloris discrets et cependant lumineux dispensés par un pâle soleil qui lui font face à l’adret. Cette disposition correspond tout à fait à la réalité du lieu. Elle participe à la convergence des diagonales sur l’église collégiale ce qui donne  un supplément de sens à la scène.

    L’organisation des éléments du paysage, leurs proportions, leur spécificité de forme et de volume, sont efficacement mis en valeur: chaque détail est immédiatement identifiable ce qui n’est évidemment pas le cas pour l’esquisse…

    Détail significatif de la maîtrise de Robert Kammerer, la clôture oblique qu’il a ajoutée et qui émerge à peine du manteau neigeux, au premier plan. Elle a pour effet de nous faire entrer dans le tableau. Nous y sommes… Cette proximité immédiate est de la plus haute importance, elle anime le tableau. Elle nous fait oublier le cadre. Elle rend vivante cette belle matinée d’hiver, comme on les aime.

     Nous restons sous le charme de cette scène si délicate, si harmonieuse, si fraîche. Le génie de Kammerer a crée pour nous une ambiance indéfinissable de raffinement et de liberté spirituelle.



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