Culturel



" L'analyse d'une Oeuvre "                      

                   par François Walgenwitz        francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Simon Lévy 

(1886 - 1973)




La jeune fille
en chemise

 
(Huile sur toile – 61 x 50 cm – vers 1928)

© Editions COPRUR

     Au premier abord, trois impressions s’imposent à nous: la tristesse de l’expression, la sobriété de la palette, la cohérence de l’ensemble

    Le regard de la jeune fille en chemise qui se perd en pensées, en réflexion, confère à ce tableau une étrange puissance narrative. Dans quelles rêveries s’égare-t-elle? Que voit-elle? Quel souvenir obsédant l’accapare? Elle a manifestement oublié la raison de sa présence; oublié le peintre en face d’elle…Elle est comme absente…

    Et pourtant, quelle présence! Sa stature en impose. Son port de tête altier, l’ovale de son visage cerné par deux bandeaux de cheveux noirs aux reflets discrètement disposés, l’ombre qui souligne le menton de part en part, le dessin ferme des sourcils, donnent à cette tête de madone toute sa cohésion.

    Le buste est solidement charpenté. Il prend possession de l’espace projeté en avant par les cadres et châssis de tableaux posés sur le fond et dont celui de gauche, oblique, donne à la scène une certaine profondeur.

    La texture, ici, est différente, intéressante, car Simon Lévy a réduit sa palette. La lumière est tamisée, l’ambiance est à la pénombre. Les couleurs rompues, appliquées avec précaution se répondent savamment. Ainsi, le gris clair légèrement bleuté de la bretelle rebondit sur les deux équerres des châssis. On apprécie les tons délicats du fond qui mettent en valeur l’expression émouvante du modèle. Simon Lévy «n’est-il pas aussi un des seuls peintres d’aujourd’hui qui ne soit pas embarrassé par les fonds» selon André Salmon? On est sensible au camaïeu de traits obliques qui donnent à la chemise sa légèreté.

    Plus que la ressemblance, Simon Lévy cherche à exprimer dans ce regard triste, porté vers le lointain, une certaine psychologie poétique. D’ailleurs, ce tableau apporte un démenti irréfutable à l’assertion de Robert Heitz qui prétend que «Simon Lévy sacrifie plus ou moins l’expression psychologique et l’élément proprement humain.»

    Dans cet opus, Simon Lévy se démarque de son mentor, Cézanne, par des rapports de tons plus rapprochés, des contrastes davantage atténués et par une plus grande application apportée à faire vivre le regard de la jeune fille. (Voyez: «La Femme à la cafetière.»  1890-94). Notre artiste, n’est-il pas réputé pour sa patience, pour son sens critique appliqué à lui-même, pour sa recherche parfois difficile de l’accord entre la sensation qu’il veut exprimer et la couleur nécessaire pour la traduire?

             « La présence spirituelle est évidente. Un tel art vaut d’être médité » (Valdemar George)


La Femme à la cafetière
(détail) – Huile sur toile – (130,5x96,5 cm)

© Editions de vergeures

 Bibliographie :

 - Jean-Luc KAHN – Simon Lévy, l’impressionniste alsacien – Editions COPRUR - 2011

 - Gilles NERET – A l’école des grands peintres N° 17 – Editions de vergeures – 1980

 - Charles de Lartigue – Les paysages de Cézanne – Editions: Les Créations du Pélican - 1995



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