Culturel




" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir

   des passionnés d'Art Alsacien "                      

                               

  Monographies de Peintres Alsaciens par François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Christiane Ancel 


L'expression du bonheur, au féminin


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    «L’art n’est pas un savoir objectif. Il suppose néanmoins la maîtrise des savoir-faire et l’éducation du goût qui permettent l’indispensable communication entre l’artiste et son public» affirme Lucien Braun dans son interrogation: «L’art peut-il s’enseigner?» A cela, Courbet répond: «Tout artiste doit être son propre maître. Je nie l’enseignement de l’art». Christiane Ancel, qui n’obéit à aucune règle et s’exprime par son talent qu’elle ne doit qu’à elle-même, en est certainement d’accord.


Christiane Ancel 17c.jpgAmbiance 1900


D'une enfance créative à un métier d'art
   

    

    Née à Colmar, le 27 février 1936, rue Geiler, Christiane vit une enfance heureuse parmi ses quatre sœurs et son frère sous la houlette bienveillante de la maman, pendant que le papa, Joseph Bihl, exerce le métier de comptable.

    Très tôt, Christiane prend goût au dessin, s’exerce à l’aquarelle et à la gouache. Elle s’adonne au bricolage. Bref, elle aime créer. De l’âge de 14 à 17 ans, elle prépare un CAP de décoratrice–étalagiste qu’elle réussit brillamment et décroche un emploi chez F.X. Kuhn, grand magasin textile, connu dans un vaste rayon autour de Colmar. Dans les années soixante, à la naissance de son fils Jean-Luc, elle quitte son employeur mais propose, à titre privé, ses talents et son expérience.

    En 1955, elle se marie avec Lucien Ancel, directeur commercial  et fondé de pouvoir. Ils s’installent au 79, route d’Ingersheim, «la route de Paris» qui s’avère bruyante. Or la pratique de la peinture requière le silence. En 1991, Christiane et Lucien achètent une belle maison sise rue du Peuplier, dans un quartier résidentiel calme, et qui offre la possibilité d’installer, à l’étage, un atelier: un espace lumineux, une ambiance paisible. Pour Christiane, toutes les conditions sont dès lors réunies à l’assouvissement de sa passion.


Une artiste fondamentalement autodidacte

    

    Mais, qu’en est-il de la formation de notre artiste? Certes, elle a suivi les cours de perfectionnement du Cercle d’Art du Château Kiener à Colmar avec comme professeur, Mr Cluzel dont le style ne lui convient pas vraiment et Mr Garde dont elle se sent plus proche. Mais, reconnaît-elle aujourd’hui, elle ne se sent guère redevable d’eux si ce n’est dans le domaine de la technique.

    Christiane Ancel doit donc être considérée comme intégralement autodidacte ce qui est tout à fait extraordinaire au regard de la perfection de son art, perfection qu’elle a atteinte d’emblée!...Elle ne doit donc rien à personne. Le don inné qui l’anime n’est même pas hérité puisqu’elle ne compte aucun artiste parmi ses ascendants.

    Christiane Ancel a, dès le début de son activité, fait le choix définitif de l’huile sur châssis. Soucieuse de la qualité du matériel utilisé, elle privilégie la martre, les couleurs «Rembrandt» et les cadres de marque «Delft» qui confèrent à ses tableaux une noble distinction. Après avoir préparé la toile par une couche de blanc dilué à l’huile, destinée à lisser la texture du support, elle esquisse le sujet par un léger crayonnage. Alors qu’au début, lors de ses premières expositions, en 1980 – 83, elle a donné la préférence aux petites tailles, elle a ensuite présenté un large éventail de formats en fonction de l’importance des compositions. Sa thématique est essentiellement constituée de fleurs organisées en bouquets ou traitées par essences, de natures mortes et d’un nombre plus restreint de paysages.



Christiane Ancel 18c.jpgViolon et Clarinette



Une lointaine parenté avec les Flamands du Siècle d'Or


   

    Unanimement, les critiques qui se sont penchés sur les réalisations de Christiane Ancel, ont observé une parenté entre son œuvre et celle des maîtres flamands du siècle d’or de la peinture hollandaise, le XVIIème. Tant pour les natures mortes que pour les grandes compositions de fleurs. Cette connivence, particulièrement intéressante à analyser, est due, d’une part,  à la prédilection pour les natures mortes et les fleurs, d’autre part, à l’exercice de la virtuosité, l’artiste mettant son point d’honneur à imiter la réalité de façon à s’y méprendre, enfin, aux fonds traités en tonalités sombres.

    En effet, l’art néerlandais du XVIIème siècle a pour caractéristique de considérer le monde comme une immense nature morte, sensible avant tout, comme l’est Christiane Ancel, à l’aspect extérieur des choses, et qui s’adresse donc aux sens. La nature morte qui, au siècle d’or, a occupé un rôle de premier plan, a retrouvé celui-ci à l’époque moderne avec Cézanne et les cubistes, puis contemporaine notamment parce qu’elle convient parfaitement à la décoration d’un intérieur bourgeois, par exemple une salle à manger, et doit trouver facilement acquéreur. Ce que Christiane Ancel a parfaitement compris.

    Ce genre, répondant au penchant de la contemplation, Christiane Ancel, comme les Hollandais, a été amenée à une description minutieuse allant jusqu’à l’impression de pouvoir toucher l’objet et à l’effet de trompe-l’œil, particulièrement apprécié au XVIIème siècle.

    Enfin, le fond pictural sombre, traité en nuances chaudes le plus souvent, aboutissant parfois à des noirs profonds, offre un éclairage sous lequel la riche palette de Christiane Ancel atteint son maximum d’intensité et où celle, plus réduite, des Hollandais fait ressortir les jeux de la lumière sur les métaux par exemple et les reflets des verres et renforce les qualités des surfaces par l’atténuation des valeurs chromatiques.



Christiane Ancel 19c.jpgLes Fraises


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Bouquet



L'art reflète, avant tout, la personnalité de l'artiste

    

    

    Si, dans les deux cas, c’est moins le sens allégorique que les aspects esthétiques et décoratifs qui l’emportent, ce qui diffère, principalement, c’est l’atmosphère. Celle-ci dépend de la répartition des objets sur la surface picturale, leur distanciation, leur authenticité ou, au contraire, leur artificialité. Sont-ils porteurs d’un message comme chez Pieter Glaesz (1597/98 – 1661), ce principe dialectique que l’on retrouve également chez Jan Davidsz de Heem (1606 – 1683/84) ? L’impression morale que doit porter le message, telle la fugacité de la vie symbolisée par celle des fleurs et des fruits, ce pathos cher aux peintres des Pays-Bas, est évidemment absent des tableaux de Christiane Ancel!...

    La nature reflétée par l’art reflète toujours, avant tout, l’esprit de l’artiste, ses joies, ses aspirations profondes, sa personnalité. Christiane  se dit «maniaque»,- nous préférons le mélioratif «perfectionniste» - ce qui détermine son réalisme minutieux, cette précision que lui permet son éblouissante technique de virtuose. Ainsi, son art qui se veut le miroir de la nature reproduit celle-ci avec la fidélité du miroir…

    La «charmante ingéniosité» (*) de Christiane Ancel, son regard de femme, la douceur, la gentillesse qui émanent de sa personne expliquent l’ambiance paisible, sereine, agréable de ses tableaux. Leur fraîcheur!...Le goût , très sûr, de Christiane qu’elle a cultivé dans l’exercice de son métier de décoratrice – un métier d’art – se concrétise dans chacune de ses natures mortes en un accord parfait entre les formes, les volumes, les couleurs. Le critique Paul S. Picard  a remarqué, dès 1983,  cet accord entre «les formes des iris et celles du vase «modern’style», le charme très «1830» des roses trémières sur fond noir, l’allégresse des pavots d’Islande, les pensées dans leur coupe blanche, les freesias dans leur vase transparent avec ce subtil éclairage en biais, les jeux des ombres, des miroitements du cristal et de l’eau.

    Un travail identique se retrouve dans les cerises sur leurs branches plongées dans une carafe où le jeu des lumières est accentué par le blanc d’une serviette. Les blancs de la porcelaine, des linges brodés, entre autres, jouent un rôle très large dans toute une série de toiles comme dans ce panier tressé en vieux Paris dont la brillance contraste  avec le velouté des reine-claude se détachant sur un fond sombre [..] et ce petit chef-d’œuvre d’équilibre et d’harmonie qu’est le «panier aux œufs», aux subtils dégradés de beige. Il y a encore les reliures de cuir fauve, les ombrelles de soie, un éventail, un collier de perles dont l’orient est magnifiquement rendu…». Mais, pourquoi ce terme de «nature morte»? Ne conviendrait-il pas, à l’instar des Flamands du XVIIème de parler de stilleven ce qui se traduit en allemand par stilleben? Voilà qui s’appliquerait à merveille, à l’œuvre de Christiane Ancel.



Christiane Ancel 21c.jpgLes pensées dans leur coupe blanche



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Les Prunes



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Le Panier aux oeufs



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Le collier de perles


    

    Par ailleurs, l’harmonie qui préside à la construction de ses natures silencieuses, reflète la paix de l’âme de l’artiste, grâce à la clarté de l’agencement, à la disposition très élaborée des objets et des fleurs qui déploient leur éclat et leur charme: un agencement distingué.         

    Le choix des objets est lui aussi révélateur de la vie intérieure de notre artiste: ombrelles, éventails, escarpins, chapeaux à voilette, poupées de porcelaine, porcelaines Vieux Paris, bougeoirs d’étain, composent des scènes d’une autre époque, un univers romantique, empreint d’une douceur aujourd’hui disparue. Images dont Christiane Ancel garde la nostalgie.

    Et puis, ne peut nous échapper, cette évidente joie de vivre qui se traduit par d’agréables jeux de lumière. Une lumière qui sait vivifier les couleurs, accentuer les contrastes, une lumière qui caresse les prunes de leur efflorescence et les pêches de leur délicat velouté. Lumière magique des subtiles transparences des verres et des gouttes d’eau –une prouesse-, douce lumière des reflets et de la brillance  des structures.



Christiane Ancel 25c.jpgCompotier aux pêches


Ressemblances fortuites avec les paysages
d'Auguste Renoir


 

    Alors que les critiques croyaient en un rapprochement possible entre Christiane Ancel et les Flamands dans le domaine des «vies silencieuses», les amateurs d’art  avisés, découvrant un paysage de notre artiste, ne manquent pas, au premier coup d’œil, de faire référence à Auguste Renoir, à ses coups de pinceau libres, déliés, jouant sur les contrastes, à son papillonnement de couleurs vives rendant les effets du soleil, Auguste Renoir qui glorifie la fécondité de la nature coloriée de tons chatoyants…

    En effet, le coup de pinceau de Christiane Ancel devient «impressionniste», dans ses paysages, alors qu’il est soigneusement masqué et donc exclu de ses «natures mortes» et de ses compositions; y compris d’ailleurs des paysages de ses débuts. Il est nettement perçu, notamment, dans les frondaisons des arbres et les végétaux du premier plan.

    Comme Renoir, Chritiane Ancel est étrangère à toute spéculation intellectuelle. Comme lui, elle ne désire qu’exprimer dans ses paysages le plaisir que lui procure la nature. Leurs toiles deviennent l’expression d’une vie sainement sensuelle. «J’aime les tableaux qui me donnent envie de me balader dedans lorsque c’est un paysage», disait Renoir. Christiane Ancel nous donne assurément cette même envie. Par ailleurs, il a confié à Berthe Morisot que «le paysage est la  seule manière d’apprendre un peu son métier. Mais, se planter dehors  comme un saltimbanque, je ne le puis pas». Aussi a-t-il toujours achevé ses paysages en atelier. De même, Christiane ne s’est jamais exposée au plein-air; non par goût, mais faute de temps…Ses obligations de maîtresse de maison ne le lui permettaient guère.

    Voilà bien des ressemblances; flatteuses, au demeurant. Et, pourtant, elles sont purement fortuites.



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Neige dans la vallée, 1986



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Au bord de l'eau, 1990



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Fillette aux coquelicots, 1994



Un talent largement reconnu

   

    Christiane Ancel s’est arrêtée de peindre vers 2004 – 2006 après avoir réalisé près de mille tableaux. Un œuvre considérable qui, a posteriori l’impressionne elle-même: «Comment ai-je pu faire tout cela?» Elle a relevé tous les défis, notamment celui de la «nature morte». Le Caravage (1573 – 1610) n’a-t-il pas dit «Peindre un vase de fleurs me demande plus de temps qu’un tableau avec des figures humaines» Pour ses paysages en particulier, elle s’est essayée au couteau. Elle a, par ailleurs, percé le mystère des réfractions, des transparences.



Christiane Ancel 29c.jpgVieux livres, 1995



    

    En 25 ans d’assouvissement de sa passion Christiane Ancel a organisé plusieurs expositions: à Colmar, au musée Bartholdi en 1980, au Koïfhus, dans la prestigieuse salle Roesselmann en 1983, 86, 89, 94, dans l’ancien musée de Kaysersberg en 1984 et 86, à Mulhouse, dans la galerie de la Société Industrielle, en 1991. Elle a participé, régulièrement, à des expositions locales et régionales de groupe depuis 1976.

    Elle a obtenu la Médaille d’Or du Grand Prix International de peinture contemporaine, salle de l’Aubette à Strasbourg, en 1983, après la Médaille d’Argent décernée au salon de Sélestat, en 1981. Lauréate du Grand Prix International de Peinture de la Côte d’Azur à Cannes en 1986, elle obtient le Premier Grand Prix «Fleurs» en 1987 et le Deuxième Grand Prix «Natures Mortes» en 1988. Ce concours international a regroupé environ 600 peintres venant de 60 pays différents et  présentant plus de 2000 œuvres. Madame la Princesse d’Ouezzan, directrice du Musée Léonard de Vinci à Paris, était la présidente du jury.

    Des collections particulières, hors de France, en Allemagne, Angleterre, Belgique, Canada, Etats-Unis, Hollande, Japon et Suisse s’honorent de posséder des œuvres de Christiane Ancel.



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Grand Prix International de peinture de la Côte d'Azur, Cannes 1987



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Exposition particulière, Kaysersberg 1988


    L’hyperréalisme poétique de Christiane Ancel, son charme légèrement nostalgique, exerce sur le spectateur une fascination due à son extraordinaire virtuosité, mais aussi parce que son œuvre est l’expression du bonheur, un bonheur communicatif. Nous sommes séduits. Merci Christiane.
 

    

Christiane Ancel 32c.jpgVénus aux livres
© Photo: F. Walgenwitz



Christiane Ancel 33c.jpgVénu, détail
© Photo: F. Walgenwitz

    

    Crédit photographique

© ANCEL Christiane

Tous les tableaux présentés sont peints à l'huile sur toile.



Bibliographie

-               BENEZIT, édition 1999 – Christiane Ancel

-       Me François LOTZ – Ancel Christiane – Artistes alsaciens oeuvrant au 1er janvier 1982 – Editons Printek, Kaysersberg

-       Nice Matin, Mai 1987 -  Le 23ème Grand Prix International de Peinture de la Côte d’Azur

-       PAC et l’ART, mars 2001 – Christiane Ancel – Extrait de presse.

-       Patrick DAY – Christiane ANCEL, comme un sourire de demoiselle – L’Alsace du 15.10.1983

-       Paul S. PICARD – Christiane ANCEL expose à la salle Roesselmann – DNA, 18.10.1983 (*)

-       Paul. S. PICARD – Les peintures de Christiane ANCEL –DNA, Mai 1986

-       P. B. – Christiane ANCEL: Poésie et Romantisme – DNA, Octobre 1989

-       F. G. - En courant les galeries: Christiane ANCEL – L’Alsace, Octobre 1991

-       L’Alsace du 3 Mai 1994 – Christiane ANCEL au Koïfhus

-         Charles WENTINCK – Histoire de la peinture européenne – Marabout Université – 1961

-       Ernst GOMBRICH – Histoire de l’Art – Flammarion  - 1992

-       Sous la direction de Ingo F. Walther – Les Maîtres de la Peinture Occidentale – Ed. Taschen - 2004


 

  
Portfolio
 Christiane Ancel 34c.jpgCorbeille de fruits



Christiane Ancel 35c.jpgCapucines et abricots



Christiane Ancel 36c.jpgSymphonie rouge et blanc



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Les Golden Wings



Christiane Ancel 38c.jpgFruits rouges



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Nature morte à la carafe



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Les groseilles à maquereau



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Le Vigneron



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Le Faisan



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Niedermorschwihr sous la neige





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Le Manoir



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La moisson



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Le Poulailler, 2001



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Le Sprint d'Eric






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