Culturel




" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir

   des passionnés d'Art Alsacien "                      

                               

  Monographies de Peintres Alsaciens par François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Nicole Hellé 



Une émouvante vocation suscitée par Strasbourg...

Nicole HelléNicole Hellé à l'exposition artistique d'Ostwald, 1998

   

   

    Ce qui a toujours caractérisé l’art en Alsace, carrefour et terre d’échanges, et qui le différencie nettement de celui d’autres provinces, c’est le mélange d’apports stylistiques venus de l’ouest, de l’est, du nord et du sud, mais qui presque toujours, sont assimilés et transformés par le climat de l’Alsace.

    Nicole Hellé a tout à fait sa place dans cette assertion que nous donne Robert Heitz. Elle apporte une contribution originale, comme il se doit, à la très riche pinacothèque alsacienne.

 

La prise de conscience du beau


    Une des questions primordiales que je me pose quand je pars à la découverte d’un artiste peintre, est de savoir quelles dispositions naturelles, quelles circonstances l’ont conduit à la prise de conscience du beau. A cet égard, Nicole Hellé a bénéficié de conditions idéales. Enfant, elle était admirative des tableaux peints par son aïeule, Louise Godet, peintre parisienne de la fin du 19e siècle: huiles, fusains, portraits qui étaient offerts à sa contemplation dans l’intérieur bourgeois aux objets raffinés et aux beaux meubles où elle a grandi.    
    Sa mère a su l’éveiller aux charmes éclatants de la Provence et lui a fait comprendre le plaisir que l’on peut avoir à les reproduire. «Ma mère se plaisait beaucoup en Provence et nous incitait à en découvrir les facettes: Notre-Dame de la Garde, le Vieux-Port, la Côte d’Azur, les foires aux santons ou les villages perchés. Elle aimait peindre les pêcheurs. Elle avait suivi des cours du soir aux Beaux Arts de Dijon.»

    Mais Nicole a d’abord été émerveillée par son cadre de vie. Voici, avec les mots de l’amour et de l’émotion, le souvenir qu’elle en garde: «Quand je pense à mon enfance, je revis une époque insouciante et heureuse dans un décor d’exception: les calanques de Marseille. Mon terrain de jeux, c’étaient les collines qui surplombaient la mer, avec des senteurs de garrigue. Des panoramas changeants au gré du temps, où la mer rejoignait le ciel, avec des îles blanches qui me faisaient rêver. Je pense que cela m’a donné le goût de la beauté pour toujours.»

 

Après une période de désagréments, le salut est venu de Strasbourg

 

En 1960, son père qui travaille dans une étude notariale, décide de déménager pour se rapprocher du centre-ville. Pour Nicole, treize ans, c’est un déchirement. «Fini le décor somptueux du bord de mer! Dans ma mémoire, cette période est très terne. J’y ai fait des études classiques et passé un bac philo. Mes loisirs étaient consacrés à la lecture, un refuge salutaire. Comme je n’avais pas trouvé ma vocation, l’autorité parentale m’a imposé une école de secrétariat de direction qui me laisse encore une impression de cauchemar.»

Un an plus tard, Nicole Hellé est confrontée à un nouveau problème, atteinte d’un début de tuberculose, elle est envoyée dans un sanatorium étudiant à Saint-Hilaire-du-Touvet, au-dessus de Grenoble. Pourtant, ce séjour sera bénéfique à plus d’un titre. «Malgré le traitement, ces quelques mois ont été très positifs puisqu’ils m’ont permis de renouer avec un environnement merveilleux et de rencontrer, parmi les patients, de nombreux artistes. Enfin, j’y ai connu mon futur époux, Daniel. Il habitait Strasbourg et je l’y ai suivi.»

Bien sûr, Daniel lui parle de sa prestigieuse cité, il évoque la Petite France, les Ponts Couverts, l’ambiance conviviale; il évoque le beau jardin qu’est le Kochersberg  voisin…Bref, il la persuade qu’il fait bon vivre en Alsace!...Seulement, voilà, elle s’y installe en octobre 1968. En octobre, juste au moment où la belle province est investie par le vent, la froidure et la pluie, où le ciel est si bas que la flèche de la cathédrale peine à le soutenir. «Le ciel était souvent gris. Il pleuvait tous les jours. Je commençais à être déprimée. Quand soudain, au quai des Bateliers, il s’est mis à neiger devant les façades de maisons à colombages. C’était magique! Cela m’a marquée. Ensuite, j’ai découvert le marché de Noël et les traditions culinaires et décoratives de l’avent, puis ce furent les Winstubs et leur convivialité.

    Il faut dire que j’ai eu la chance d’être chaleureusement accueillie par les amis et parents de mon mari. Je me suis très vite sentie chez moi dans cette région attachante. Après avoir parcouru les villes, les villages, les musées, j’ai fait de la randonnée dans les Vosges, un autre décor de rêve…..J’ai toujours apprécié le côté bon vivant des Alsaciens et leur philosophie de la vie, due, sans doute, à leur passé tourmenté. »


" Un déclic s'est produit: point de départ de ma vocation "


   
    Les deux enfants, Frédérique et Julien, ayant grandi, leur maman qui s’était «consacrée avec passion à leur éducation», a choisi d’occuper ses moments de loisir à peindre des coffrets, des boîtes en bois dans un style miniaturiste. Elle a exposé ces objets à Ostwald où elle habitait et à Strasbourg. Après ces premiers pas vers l’art pictural, assurément encourageants, elle décide de passer aux tableaux. «C’est alors que l’évidence m’est apparue de traduire sur ma toile cet engouement que j’éprouvais pour Strasbourg et l’Alsace. Un déclic s’est produit: le point de départ de ma vocation.»

    Fascinée par l’architecture – elle a travaillé dans un service municipal: la police du bâtiment qui, entre autre, veillait sur les maisons de Strasbourg – elle est sensible au caractère particulier des maisons à colombages,  à leurs encorbellements, aux oriels qui s’exposent. Elle aime représenter les quais qui invitent à la promenade sur l’Ill, celui des Bateliers qui, sous la neige, a fait basculer sa vie. Elle aime leurs maisons accolées les unes aux autres «pour un Schunkel de circonstance, s’écartant parfois à contrecœur, le temps de laisser passer une venelle, filer une voiture…et qui, à nouveau, resserrent leurs rangs pour se contempler dans l’Ill», comme dit si joliment Emilienne Kauffmann. Elle aime les placettes de la vieille ville, autrefois animées par des marchés hauts en couleurs et forts en senteurs…, leurs statues éloquentes comme le Meiselocker de la place St-Etienne. Elle est impressionnée par ces toits immenses hérissés de lucarnes au regard plongeant. Elle aime les enseignes des corporations disparues, les fenêtres à meneaux, les colonnettes des balustrades…les cours et les ponts comme ceux du Corbeau, en pensant peut-être à Lothar von Seebach et à Lucien Blumer qui les ont immortalisés en leur temps.



 Nicole HelléLe Marché de Noël à Strasbourg
© Nicole HELLE


«Quand je déambule dans les rues, je ne peux m’empêcher de «cadrer» du regard les maisons pittoresques que j’imagine déjà sur la toile. Il s’agit le plus souvent de bâtisses usées par le temps, un peu de guingois, aux toits voûtés, mais dont la couleur, entre les colombages, apporte un aspect pimpant. Je les considère comme des personnages et je tiens à rester aussi fidèle que possible à la réalité des lieux. Pour ajouter de la vie et du mouvement, je place des familles, des couples, des oiseaux». Dans un décor d’exception, mais authentique, tel qu’il est, Nicole Hellé fait évoluer une société telle qu’elle devrait être: sereine, fraternelle, idéale. La réalité alliée au rêve…Une certaine idée du bonheur!

    «Ma peinture est intimement liée aux coups de cœur. Pour y imprimer un sentiment de bonheur, il faut que j’en éprouve moi-même. En 2000, j’ai perdu brusquement mon mari d’un cancer foudroyant. Mes parents sont décédés à la même époque. Le choc a été si éprouvant que j’ai cessé de peindre pendant deux ans. La rencontre de mon compagnon m’a redonné goût à la vie. Une envie irrésistible de reprendre les pinceaux a suivi».

    Nicole Hellé a repris les pinceaux parce qu’elle a quelque chose à montrer, mais aussi parce qu’elle a quelque chose à dire. Certes, ce n’est pas déshonorer la peinture que de reconnaître que sa puissance narrative, sa capacité de raconter est faible. Quand la peinture se veut narrative, cette narration dépend presque toujours d’un texte qu’il est nécessaire d’avoir lu ou dont il convient de se souvenir. Cependant, si la peinture raconte peu, ce peu est d’une puissance suggestive toute particulière. C’est notamment vrai pour les tableaux de Nicole Hellé. Ils suscitent des sentiments de bien être, voire de nostalgie, ils évoquent une de nos plus chères traditions: le monde magique de Noël, elles racontent le passé d’une ville, un passé toujours vivant sous nos yeux. Chacun peut, en ouvrant des yeux sensibles, se projeter dans ses scènes de rues, se mêler aux passants, engager la conversation. Cela va bien au-delà de l’anecdote…Il s’agit de transmettre un message, ce dont Nicole est parfaitement consciente quand elle nous dit: «Il est aussi gratifiant pour moi qu’un Alsacien de souche me dise qu’il retrouve son décor d’enfance sur un de mes tableaux.»

Nicole HelléPlace du corbeau,  Strasbourg
© Nicole HELLE

   

Vous avez dit " naïf " ?

    

    Vous avez dit «naïf», comme c’est naïf…Ouvrons le dictionnaire. Oui, l’inspiration de Nicole Hellé est issue de la vie quotidienne – du rêve aussi – Sa vision des choses est ingénue, je dirais «candide». Elle va de pair avec une certaine indifférence des principes de la culture artistique «savante». Le tout suscite un art sensible, minutieux, coloré et sincère. Mais  son style, sa touche personnelle, n’a rien à voir avec la maladresse des peintres d’enseignes ou d’ex-voto  ou avec celle des portraitistes des campagnes qui ne sortent de l’anonymat qu’avec l’émergence du Douanier-Rousseau.

    Mais, laissons à notre artiste le soin de clore le débat:«Je suis autodidacte. La visite de certains musées m’a sans doute motivée pour m’exprimer: le Musée Alsacien de Strasbourg, le musée d’Orsay, l’école de Pont-Aven, les Flamands tels  que Breughel et une galerie de naïfs qui existait autrefois, rue du Dragon à Paris.»

    En tout cas, tous les contemplateurs de ses œuvres  admirent sa passion du détail. Sa minutie, sa précision, qui constituent une remarquable prouesse technique, mériteraient le test de la loupe que l’on promène devant le Jugement Dernier de Rogier Van der Weyden, aux hospices de Beaune. Toutes proportions gardées quant aux dimensions des deux œuvres. Votre pinceau, Nicole, combien de soies?

    La renommée  de Nicole Hellé comporte un paradoxe: elle n’a exposé qu’à Strasbourg et pourtant, elle est connue dans le monde entier…

    On compte plus d’une vingtaine d’expositions strasbourgeoises, notamment à l’Aubette, au Pavillon Joséphine, au Conseil de l’Europe, à la foire de Printemps, aux DNA, à l’office du tourisme, place de la cathédrale, ou encore dans le cadre du groupement «Femmes créatrices». Outre ses illustrations parues dans des magazines, ses affiches, ses cartes postales, ses cartes de vœux commandées par la municipalité de Strasbourg, elle a illustré le très beau livre «Strasbourg en habit de rêve», paru aux Editions du Rhin, en 1992: un itinéraire de 60 pages et 26 tableaux à travers les vieux quartiers de la ville, accompagné à merveille par les textes poétiques  et subtilement malicieux d’Emilienne Kauffmann.

    Si Nicole Hellé est connue dans le monde entier, c’est parce qu’elle a été sélectionnée 8 fois pour la célèbre série des cartes de vœux de l’U.N.I.C.E.F. Il a fallu une première sélection à Genève, puis une deuxième à New-York pour décrocher l’acceptation de la Place Kléber ou du Christkindelmarik de la place de la cathédrale…Dans le cadre d’une des campagnes de ce prestigieux organisme, un timbre a été édité sur le thème d’une de ses cartes. C’est une consécration et une grande satisfaction pour notre chère artiste de savoir que ses cartes  de vœux ont fait le tour du monde des boîtes aux lettres!...

 

    Nicole Hellé, vous qui avez si bien compris notre province et adopté nos valeurs, vous qui avez trouvé son âme, notre Graal, et avez su la faire revivre, faites-nous rêver encore et encore, et en toutes saisons…Dans le monde où nous vivons, nous avons tellement besoin de cette sorte de tendresse…


Nicole Hellé

     


Sources:

- Interview de Nicole Hellé

- Strasbourg en habit de rêve – Illustrations Nicole Hellé – Texte Emilienne Kauffmann – Editions du Rhin, Mulhouse – 1992 - (Epuisé)

- Articles de presse – Télé-Loisirs - DNA

- Etapes de l’Art alsacien, XIXe et XXe siècles – Robert Heitz – Saisons d’Alsace N° 47

- Aimer voir – Hector Obalk – Editions Hazan, Paris - 2011

- d’Art d’Art! – Frédéric et Marie-Isabelle Taddeï – Editions du Chêne, tome 1 - 2009






Portfolio
Acryliques sur toile (55 x 46 cm)

Nicole HelléQuai des bateliers - vers 1985
© Nicole HELLE



Nicole HelléPlace des Tripiers - vers 1989
© Nicole HELLE




Nicole HelléPlace St-Etienne - vers 1991
© Nicole HELLE



Nicole HelléMarché des Producteurs - vers 1992
© Nicole HELLE



Nicole HelléPlace du Marché aux Cochons de Lait - 1999
© Nicole HELLE



Nicole HelléQuai de la Bruche, l'été - 2000
© Nicole HELLE



Nicole HelléLes Ecluses - vers 2001
© Nicole HELLE



Nicole HelléLes Ecluses en été - 2001
© Nicole HELLE



Nicole HelléPlace de la Cathédrale - vers 2003
© Nicole HELLE



Nicole HelléPlace Kléber, le grand sapin - 2003
© Nicole HELLE



Nicole HelléPetite France avec pont tournant - 2005
© Nicole HELLE



Nicole HelléMarché de Noël - 2012
© Nicole HELLE



Mention Légale: Tous droits réservés. Aucune reproduction même partielle ne peut être
faite de cette monographie sans l'autorisation de son auteur.