Culturel



" L'analyse d'une Oeuvre "                      

                   par François Walgenwitz        francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Bernadette Zeller 



Nu aux nattes

Bernadette Zeller 28
1971 Huile sur toile


Pour une fois, Bernadette Zeller a délaissé la nature en tant que catalogue de matériaux à reproduire et à portraiturer fidèlement. Ici, elle les réduit à leurs éléments essentiels, elle les dépouille de toute personnalité, de toute originalité pour ne retenir que l’élégance des courbes, l’harmonie des lignes qui constituent l’essence même du nu féminin, son esthétique la plus pure.

Bernadette Zeller traduit cet idéal en aplats finement cernés de traits à peine perceptibles qui se plient aisément à la sobriété décorative de l’œuvre. La palette est réduite à l’extrême: trois couleurs déclinées en deux ou trois nuances légères, si naturellement apparentées que le regard glisse de l’une à l’autre avec une aisance qui sied admirablement à l’expression apaisée de ce corps alangui. Le seul effet de contraste provient de la chevelure prolongée par deux nattes dont l’une caresse le dos de la jeune fille et l’autre pend à l’abandon parallèlement au dossier de chaise, seul autre élément marquant.

Ce sujet, résolument «plan», n’est pas sans rappeler un des principes prônés par les Nabis. Et notamment par Maurice Denis dans sa fameuse formule: «Se rappeler qu’un tableau, avant d’être …une femme nue… est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées.»

    Cette maxime qui tend à orienter la peinture dans la voie de l’abstraction ou du moins vers la simplification, met le sujet à égalité avec le décor et restitue au tableau sa valeur première: donner aux lignes et aux couleurs un sens propre en dehors de leur valeur imitatrice.

    Ici, l’art travaille avec l’art avant de travailler avec la nature pour reprendre l’idée d’un critique à propos de Maurice Denis. Or cette transposition de l’art suscite l’émotion et déclenche le schéma par lequel Kandinsky résume le parcours qui conduit de l’âme de l’artiste à l’âme du spectateur – Emotion – sentiment – œuvre – sentiment – émotion –« Et la profondeur de notre émotion vient de la suffisance de ces lignes et de ces couleurs à s’expliquer elles-mêmes comme seulement belles et divines de beauté.» (Maurice Denis)

    Ce nu de dos, fortement escamoté, au visage réduit à la chevelure, aux membres à peine esquissés, nous dit bien sûr beaucoup plus qu’il ne nous montre. Il est, à cet égard, aux antipodes de «L’Origine du Monde» de Courbet (1866, huile sur toile - Musée d’Orsay.) qui est une stricte adhésion à la réalité en art.

    Cette jeune fille nue, seule, dans la blancheur de son drap étalé, est-elle assoupie? Cache–t-elle un chagrin, un regret, un remord? Il faudrait savoir ce qui s’est passé juste avant, pour répondre à ces questions indiscrètes. Mais, sans doute s’agit-il simplement du retour à la paix, la paix des sens, le plaisir étant assouvi. C’est bien l’impression de paix, de quiétude qui s’impose. La douceur bleu-pâle qui environne la jeune fille y contribue.

            Ainsi, la cohérence de ce petit chef-d’œuvre est-elle accomplie.

                                                                                                                                                                                                                                                                                                      Bernadette Zeller 29


 
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