Culturel




" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir

   des passionnés d'Art Alsacien "                      

                               

  Monographies de Peintres Alsaciens par François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.fr
                      

 

Le Cercle des Arts Colmarien


Cercle des Arts colmarien 01c.jpg


 

      Au début des années 1960, Toute une génération de peintres trouve dans Colmar, le terreau idéal pour s’épanouir. Ils sont nombreux à se donner rendez-vous dans l’ancien restaurant du Champ de Mars, le 13 mars 1962, pour l’assemblée générale constitutive du Cercle des Arts colmarien. A la suite du Groupe de Mai, fondé en 1919, et de celui de la Barque, lancé en 1930, cette association d’artistes, qui durera plus de vingt ans, marquera de son empreinte l’évolution de l’art en Alsace.


Cercle des Arts colmarien 02c.jpgEugène Noack: Les Artistes
Aquarelle (11 x 20.5 cm)    © Ed. du Rhin


Cette aquarelle est un document qui représente quatre artistes-peintres co-fondateurs du Cercle des Arts colmarien. De gauche à droite, Alphonse Klebaur, le prof, Jehanne Schira, pipe en bouche, Alfred Selig, l’élève et, assoupi, Arthur Boxler.



    L’année même de sa création, la première exposition permet de mettre en lumière la richesse de la vie artistique de Colmar révélée par les talents variés et prometteurs d’artistes tels que Jehanne Schira, Albert Bayer, Alphonse Klebaur, Robert Gall, Joseph et Léonard Saur d’Oberhergheim, Paul Blasy, l’abbé Bert, Madeleine Prudhomme-Hartemann, Albert Selig, François Fleckinger, Arthur Boxler, l’architecte Jean du Cailar, Charles Zeysollff etc…etc…auxquels s’ajoutent quelques jeunes qui s’appellent Fred Schické, Daniel Selig, Alain et Claudia Tisserand,, Monique Halm, Frédéric Kuhlmann, Paul Flickinger, Robert Montchaud, Irène Bury… Marcel Helfer qui venait de rejoindre l’Office du Tourisme, devient en tant que secrétaire du groupement, la cheville ouvrière du Cercle des Arts. La présidence est, au départ, assurée par Me Schreiber qui désire une meilleure coordination des efforts des artistes et veut leur assurer un plus large rayonnement.

    Le précieux, voire indispensable, soutien de la Ville permit à l’association d’avoir pignon sur rue en accueillant son siège à l’Office du Tourisme et en mettant à sa disposition des locaux d’exposition qui eurent lieu tous les dix-huit mois, au Foyer du Théâtre, d’abord, puis dans la salle Roesselmann du Koïfhus ou encore dans la salle d’exposition du musée Bartholdi quand les manifestations étaient plus modestes, nous apprend Gabriel Braeuner.

    C’est Jean du Cailar qui, par la suite, présidera aux destinées de cette assemblée d’anciens et de modernes, de figuratifs et d’abstraits. Celle-ci «a réussi le miracle de réunir des artistes aux caractères trempés et aux comportements individualistes, avec le soutien efficace de la Ville qui leur a assuré le gîte et le couvert en matière d’exposition, en leur permettant, chose finalement rare, d’être un peu prophètes en leur pays.»

    « La belle aventure du Cercle des Arts colmarien s’arrêta en 1983, quand Marcel Helfer prit sa retraite  Elle avait indéniablement marqué l’histoire culturelle de notre ville.» (1)



Marcel Helfer
(1925)
Cercle des Arts colmarien 03c.jpgMarcel Helfer
© Ed. Do Bentzinger

 

    Marcel Helfer a mis sa maîtrise du dessin au service d’une imagination complexe et débridée, d’une intarissable créativité. Ses dessins, constitués de traits, souvent tirés à la règle, naissent de son stylo «son pinceau préféré» (2) trempé dans l’encre de Chine

    De sa passion obsédante du dessin est né un talent qu’il forge dès son enfance, à l’Oberharth, quartier de Colmar, dont il croque les paysages que lui offrent les jardins situés entre la route d’Ingersheim et la rue du Stauffen. A quinze ans, en 1940, la thématique de la guerre s’impose  à lui, fasciné par les Morane, les Dewoitine et autres Curtis. Appelé à l’Arbeitsdienst, il est, à partir d’octobre 1943, incorporé de force dans la Wehrmacht, affecté au front de l’Est, en Pologne. Le 14 septembre 1944, une blessure à la main lui sauve en quelque sorte la vie. Il bénéficie d’un Heimatschuss, c’est-à-dire d’un rapatriement pour cause de blessure suffisamment grave pour ne plus pouvoir rester affecté au front. Mais il préfère s’évader, en novembre, pour regagner Colmar où une famille amie le cache jusqu’à la Libération. Après la guerre, il réintègre la municipalité qui l’avait engagé en 1941. Il sera, jusqu’en 1983, un actif et efficace directeur de l’Office du Tourisme.

    L’art n’étant pas un savoir objectif, la maîtrise du savoir-faire et l’éducation du goût peuvent s’acquérir par soi-même. «Tout artiste doit être son propre maître. Je nie l’enseignement de l’art» affirmait Gustave Courbet. Marcel Helfer en est la preuve vivante. Surmontant le syndrome de l’autodidacte, c’est-à-dire le manque de légitimité faute de diplôme, il n’a cessé de dessiner. Il dessine des femmes issues de son imagination, «des femmes aux formes généreuses que n’affecte nulle ambiguïté: innocentes et plantureuses créatrices édéniques d’avant la pomme.» (2) Son extraordinaire inventivité le pousse, cependant, vers «un imaginaire peu complaisant où les femmes sont concupiscentes et superficielles quand elles sont jeunes, authentiques seulement quand elles sont vieilles.» (2)

    Il s’attaque à la difficile technique du portrait, s’inspirant de photos de célébrités parues dans «Cinémonde», Jean Gabin, par exemple dans son rôle hugolien de Jean Valjean (1948). Il s’intéresse aussi au paysage qui s’était progressivement stylisé. «A force de styliser, j’avais glissé dans l’abstraction et l’espace», dit-il. C’était l’occasion de s’initier à l’aquarelle, grâce aux conseils avisés d’Alfred Selig et de François Fleckinger, ses compagnons du Cercle des Arts.« Ils lui apprirent ce qu’on ne trouve dans aucun manuel: l’art de faire des gris à partir du rouge carmin et du vert Véronèse, rétabli avec du bleu… Les ficelles du métier en somme, un savoir-faire de professionnel. L’élève fut attentif et vola bientôt de ses propres ailes.» (2)

    Mais, l’exposition que lui consacre l’Espace Malraux, en 2001, affirme sa prédilection pour le dessin, une technique faite de traits rigoureusement hachurés, qui génère une structure «où l’homme et la matière souvent se confondent.» (2) Les critiques eux-mêmes donnent leur préférence à ses dessins: leur extrême dépouillement, leur rare sobriété, caractérisent le mieux sa personnalité. Par un travail intensif, Marcel Helfer a toujours exprimé dans sa peinture, ses gouaches et dessins l’amour de la ligne pour arriver à une vision décorative pleine de symboles et de vie.

    Son imaginaire évolue vers davantage de pureté et de silence où l’homme est absent. « Que ce monde dise les angoisses de l’artiste, comme plus généralement ilrévèle les nôtres, n’est pas contestable» (2) Les figures étranges, surréalistes, ses visons cosmiques qui sortent, par la suite, de son imagination féconde et torturée le prouvent.

    Les voyages qui, après 1983, le conduisent vers les pays méditerranéens et les contrées nordiques, lui ont inspiré une thématique des plus variées. Ses aquarelles, notamment révèlent son «empathie pour les petites gens, sa prédilection pour la chronique de la vie ordinaire.» (2)

    Organisé, méthodique, rigoureux, Marcel Helfer a, au fil des ans, construit une œuvre, «au sens noble du terme», dont Colmar a toutes les raisons d’être fière et de s’en souvenir…



Cercle des Arts colmarien 04c.jpgSans titre
Huile sur toile


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Etude
Aquarelle, Encre de chine pointes Rotring 0.18 et 0.40





Robert Montchaud
A la croisée entre Art et Science

«L’Art est fait pour troubler, la science rassure» (G. Braque)


Cercle des Arts colmarien 05ac.jpgAutoportrait

    

    Petit-fils de paysan et fils d’ouvrier, Robert Montchaud est né le 29 avril 1940 à Condrieu  (Rhône). Son père ayant trouvé un emploi chez Rhône-Poulenc, il habite au Péage de Roussillon.

    Sa dilection pour l’art se manifeste très tôt: à 9 ans, il obtient un 1er prix de dessin à l’occasion de l’anniversaire du rattachement du Dauphiné à la France. A la fin de ses études secondaires, convaincu de ses prédispositions pour le dessin, le directeur de l’établissement conseille à ses parents de l’inscrire à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Lyon. Parmi ses professeurs, figure Louis Bertholat, 1er Prix de Rome.

«Mais, précise Robert Montchaud, l’établissement étant classé «école de luxe!», je n’ai pas pu obtenir de bourse! Pour alléger le coût de mes études, je réalise divers travaux comme laver des bus, peindre des foulards de soie, des abat-jour, poser de la feuille d’or sur des statues et des grilles en fer forgé, participer à la réalisation de décors pour des émissions de télévision, décorer le plafond d’un restaurant – signes du zodiaque d’une façon très réaliste – …etc…»

    Il passe le CAFAS (Certificat d’aptitude à une Formation Artistique Supérieure) et obtient le Diplôme de sortie de l’Ecole. En tant que responsable de la Nouvelle Vague des Peintres Lyonnais, il participe au 12ème salon du Groupe Contraste au Palais Municipal de Lyon en 1960.

    Ses études terminées, il résilie son sursis. En octobre 1960, il est incorporé à la BAO 132 de Colmar-Meyenheim. Dès le premier jour, il est convoqué par le colonel Delachenal qui l’affecte à la décoration de la Base, lui confiant la réalisation des fresques dans les mess d’officiers et sous-officiers, la construction de décors à l’occasion des bals… «Mais là où j’ai vraiment exercé tous mes talents, se souvient-il avec plaisir, c’est dans la création d’une chapelle: autel, tabernacle, chaire, chandeliers, vitrail chemin de croix, mosaïque…»

    A la fin de son service militaire, en octobre 1962, pour le récompenser de son travail, le colonel lui obtient un poste d’enseignant au lycée Henner d’Altkirch. Vive la méritocratie!...

    A l’occasion d’un bal des Médaillés Militaires qui a lieu sur la Base, il fait la connaissance de sa future épouse. Ils se marient le 15 avril 1963 à l’église Ste Marie de Colmar.

    Parallèlement à l’assouvissement de sa passion pour la peinture, Robert Montchaud  se consacre à l’enseignement. Il sera successivement:- professeur à la Cité technique de Colmar où il rencontre Frédéric Kuhlmann et Claude Casanova qui feront partie du Groupe Art Recherche fondé par Daniel Selig, - professeur d’éducation artistique et d’arts appliqués au lycée Schongauer de 1993 à 2000, - professeur à l’IUFM de Strasbourg où il dispense des cours sur la théorie des couleurs.

    De 1979 à 1983, il est professeur à l’atelier d’Arts Plastiques de la ville de Colmar, puis, responsable des ateliers du château Kiener, au 24, rue de Verdun qui propose une formation complète sur trois ans (Dessin, gravure, peinture, sculpture, modelage, histoire de l’Art). Cet atelier prépare aux concours des Arts Déco et des Beaux-Arts.

    La création, en 1974, au château Kiener de l’Atelier d’Arts Plastiques, authentique école municipale, prouve s’il en était besoin, l’intérêt de la Ville de Colmar pour l’émergence et l’épanouissement d’une vie artistique digne du chef-lieu du Haut-Rhin.

    Les lecteurs des D.N.A. apprécient ses croquis d’audience à la Cour d’Assise de Colmar de 1965 à 1967. Il se fait également connaître par des créations publicitaires: étiquettes de vin, diplômes, logos, dépliants, affiches, projets de médailles, etc…



Cercle des Arts colmarien 05bc.jpgCroquis d'audience


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Etiquette de vin



    

    Robert Montchaud est l’auteur d’un ouvrage à succès: «La couleur et ses accords» Editions Fleurus, 1ère édition en 1994, 7ème édition en 2014.

    Il est membre actif du Cercle des Arts de Colmar depuis 1964; sa candidature a été soumise à l’assemblée, le 5 octobre. Mr.Schicke et Mr. Blazy étaient ses parrains.

Robert Montchaud est titulaire des Palmes Académiques.

 

    De par son ouverture d’esprit, sa connaissance approfondie de l’Histoire de l’Art et sa mission de professeur susceptible de maîtriser tous les genres, toutes les techniques, Robert Montchaud a abordé tous les sujets: «Le paysage, pour faire comme tout le monde! La nature morte, pour maîtriser et approfondir la technique de la peinture à l’huile ainsi que la composition d’un tableau en utilisant le nombre d’or. L’abstraction, enfin, pour m’évader de tout cela…»



Cercle des Arts colmarien 05dc.jpgDécollage de trois mirages, Huile sur carton entoilée (41 x 33 cm)



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Chasse à courre, Huile sur toile (62 x 53 cm)
Composition d'après des croquis pris sur le vif




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Tête du Christ, Huile sur toile (46 x 38 cm)
D'après une étude pour un chemin de croix




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Réfringence, Huile sur toile (46 x 38 cm)



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Angélus, Huile sur toile (55 x 38 cm)



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L'oiseau de feu, Huile sur toile (55 x 46 cm)



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Lambeau d'Univers, nov. 2004, Huile sur toile (46 x 38 cm)



    La recherche de l’originalité, l’affirmation de la personnalité qui sont les moteurs de tout artiste créateur, ne peuvent se départir de l’art du passé: chaque œuvre se relie à ce qui l’a précédé, chaque artiste possède ses références…Ainsi, Robert Montchaud a toujours été fasciné par Salvador Dali qu’il admire pour la maîtrise de sa technique picturale au profit d’une imagination débridée. Michel-Ange, aussi, fait partie de ses «muses»; le plafond de la Chapelle Sixtine fut pour lui une révélation…

    Les critiques qui ont suivi les différentes expositions auxquelles Robert Montchaud a participé, ont, au-delà des différences de style selon les sujets, remarqué des invariants significatifs, comme la finesse d’exécution, la limpidité de la lumière, la magie des transparences, les dégradés admirablement traités, la délicatesse des coloris, la grande rigueur de conception, la maîtrise du métier, enfin…

    Ces qualités précieuses et rares découlent, notamment, de la méthode élaborée par l’artiste. Ecoutons-le: « Je peins à l’huile en appliquant la technique des anciens: peindre gras (à l’huile) sur maigre (à la térébenthine), utiliser les couleurs complémentaires pour les ombres exécutées en glacis. C’est long…Parce que, pour appliquer la couche suivante, il faut laisser sécher la précédente. Quand je pense que Zurbaran utilisait au moins dix couches de glacis… «La Vierge au buisson de roses» de Schongauer donne, également, une formidable leçon de glacis…

    Je vais toujours du concret à l’abstrait. Bien souvent, je commence par un dessin hyperréaliste que j’épure en plusieurs étapes à l’aide de calques superposés, («L’Oiseau de feu» en a nécessité plusieurs) pour arriver à une ébauche stylisée, plus abstraite, qui sera transcrite sur la toile.

    Dans le feu de l’action, il m’arrive, parfois, de modifier une cohérence que je juge un peu trop rigide. Mais, c’est vrai que je ne laisse pas énormément de place à l’improvisation: c’est ma nature, j’aime bien que les choses soient réfléchies longtemps à l’avance. Ainsi, pour la mise en peinture, je conçois mon harmonie colorée par écrit, en fonction du sujet. J’ai alternativement des périodes «ocre», puis des périodes «bleu» suivant mon humeur. Je n’aime pas le vert!...»

 

 

La leçon de la pomme…

Cercle des Arts colmarien 05kc.jpgLa Pomme



    Cette pomme n’a, certes, pas été cueillie dans le jardin des Hespérides. Elle vaut, cependant, son pesant d’or, car elle révèle certains secrets de la théorie des couleurs et de la traduction de l’ombre et de la lumière. Elle a été peinte dans un objectif pédagogique.

    Entrons dans la confidence… «Quand je peins un objet, en l’occurrence une pomme, je commence par rechercher la couleur exacte du sujet sur la palette. Sur la toile, j’applique la couleur réelle du fruit (en principe, au milieu). Dans la partie lumineuse, il suffit de rajouter du blanc à la couleur initiale. Pour la partie dans l’ombre, à la couleur de base, je rajoute la couleur complémentaire: ici, c’est du vert.

    Mais, pour réaliser l’ombre portée de la pomme, il faut tenir compte de la couleur du support qui, ici, est le vert! Donc je rajoute du rouge (sa complémentaire…) à la couleur du fond.

    Les ombres propres et les ombres portées peuvent être exécutées, comme sur cette toile, avec des glacis.»


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«Grâce à des exemples concrets puisés dans le monde de l’architecture, de la décoration, du stylisme, de la publicité, ou de la mode, l’auteur nous fait danser autour de sa palette chromatique et permet à tous, amateurs et professionnels, de retrouver et de composer les plus belles harmonies qui peuplent notre univers»


Jehanne Schira
(1904-1989)

Cercle des Arts colmarien 06c.jpgJehanne Schira en convesation avec Eugène Noack
© Ed. du Rhin


Eugène Noack ne faisait pas partie du Cercle des Arts colmarien, mais il sentait bien en compagnie des artistes qui le composaient, notamment Jehanne Schira.


    Jehanne Schira est née à Lapoutroie, le 20 janvier 1904. «Enfant prématurée, elle débuta sa vie dans un sabot de son grand-père que l’on avait amoureusement tapissé de coton et posée sur la porte de la cuisinière familiale, mettant ainsi en œuvre une couveuse improvisée». (5)

    Elle est entrée à l’Ecole des Arts appliqués de Colmar le 3 janvier 1927 pour en sortir le 1er novembre 1929. Elle a fréquenté l’Ecole de Dessin de la Ville de Paris, Rue Madame, dans le 6ème arrondissement. De 1929 à 1933, elle se prépare au professorat. Pendant trois ans, elle suit les cours particuliers de Me Paul-Albert Laurens (1870-1934), professeur à l’Académie Julian.

    De 1958 à 59, elle occupe un poste d’auxiliaire de dessin au lycée Bartholdi et au lycée d’Etat de Mulhouse. Elle ouvre une école de dessin rue Turenne à Colmar et donne des cours du soir jusqu’en 1961. Autant d’activités qu’elle doit interrompre à la suite de malencontreux accidents, l’un à bicyclette, à Colmar, l’autre, à cause d’un choc contre une voiture en Italie…

    Avec ses amis du Cercle des Arts: Alfred Selig, Alphonse Klébaur, Paul Blazi, Alfred Selig, elle réalise les décors de la Foire aux Vins qui se déroulait alors, durant trois semaines, à l’emplacement des ateliers Oberlin et des Halles couvertes. Tout ce secteur du vieux Colmar était entièrement décoré de panneaux de toile enduite de stuc, représentant des fausses pierres, des fausses portes, des fenêtres… un travail énorme. La pizzéria voisine leur servait de quartier général!...


Cercle des Arts colmarien 07c.jpgJehanne Schira à l'oeuvre pour la Foire aux Vins



    Peinture à l’huile, dessin à la plume et au crayon gras, gravure et lithographie sont ses moyens d’expression. Ses merveilleux bouquets de fleurs font toujours le bonheur des collectionneurs. «Jehanne Schira a élevé la composition florale au rang du grand art dans le foisonnement des fleurs, la légèreté et l’exubérance des couleurs» (4) Dessinatrice de qualité, elle a réalisé des albums lithographiques d’une remarquable finesse sur Colmar, en 1951, sur Ribeauvillé avec Alphonse Klébaur, sur Riquewihr avec Alphonse Klébaur et Alfred Selig, sur Turckheim, toujours avec Klébaur, en 1958. Ils mettent en évidence son art du crayon et sa sensibilité de poète.

    Si elle n’a pas organisé d’expositions personnelles, elle a, par contre, participé, à partir de 1934, à de nombreuses expositions collectives avec ses amis du Cercle des Arts notamment. Parvenue à l’âge de soixante-cinq ans, elle dut s’arrêter de peindre en raison de problèmes de vue. Dans les dernières années de sa vie, elle résidait à la maison de retraite de l’hôpital de Ribeauvillé. Elle s’est fait de nombreux amis dans la cité des Ménétriers…

    « Artiste-peintre bien connue dans toute la région, Mademoiselle Schira a marqué de son empreinte et de sa silhouette les milieux de l’art alsacien et a laissé un souvenir indélébile à tous ceux qui l’ont côtoyée. Le béret, la pipe, la cravate ou la lavallière de celle que mes amis appelaient Jehanne, sont indissociables  des lieuxque fréquentaient les artistes colmariens des années 60.» (5)

 

    Jehanne Schira s’est éteinte le 22 avril 1989 dans la maison de retraite de Ribeauvillé



Cercle des Arts colmarien 08c.jpgNature morte à la pipe, Huile sur toile



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Bouquet, Huile sur toile



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Bouquet, Huile sur toile



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Colmar, Lithographie, crayon



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Turckheim Fontaine Roesselstein, Lithographie, crayon







Alphonse Klébaur
(1884-1970)


 

    

    Alphonse-Charles Klébaur est né à Colmar le 17 octobre 1884. Il  est décédé le 1er juillet 1970. Il habitait au 4, rue de Montbéliard.

    Les études suivies à l’Académie de Munich, de 1900 à 1904 et à l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg, de 1904 à 1906, ont fait de lui un bon dessinateur. Elles n’auront aucune influence sur sa sensibilité artistique. Par contre, elles l’ont doté d’un sérieux fonds technique qui lui servit dès 1907, alors qu’il collaborait aux Meggendörfer Blätter de Munich.

    Alphonse Klébaur fut pendant dix ans compositeur artistique et chef d’atelier aux faïenceries Utzschneider de Sarreguemines. Soit, de 1908 à 1919. C’était alors la florissante période des arts décoratifs du Jugenstil qui s’affirma à l’Exposition Universelle de 1900. C’était l’époque où s’exprimaient avec brio, Charles Spindler dans ses marqueteries, Braunagel et Cammissar dans le vitrail d’art et François Ruprecht Carabin dans la sculpture sur bois

    Or, Klébaur avait sa place parmi cette élite alsacienne. Il sut utiliser au mieux les progrès considérables réalisés par la chimie et la métallurgie modernes, notamment dans l’élaboration de la glaçure des poteries, à l’aide d’une composition à base d’étain. Alphonse Klébaur n’a porté au four que des œuvres minutieusement étudiées à l’avance. Homme de principe,« il a manifesté constamment sa haine de l’imprévu» (6) Ainsi, en tant que peintre, il établira toujours rigoureusement au crayon, l’esquisse de ses aquarelles, et ne laissera rien au hasard…

    Il a cessé d’être céramiste le jour où il a été nommé professeur à l’Ecole Pratique des Arts Appliqués de Colmar; fonction qu’il garda jusqu’en 1946. Entre ses heures de cours, il se vouait à la peinture et notamment à l’aquarelle dont la pratique lui était familière. En devenant peintre, il réalisa enfin ses ambitions de jeunesse. A Sarreguemines, il rêvait d’une expression d’art plus spontanée, plus directe, affirme Marc Lenossos.

    Notons qu’à l’Ecole des Arts Appliqués il a formé de nombreux élèves. Outre Lucien Weill, 2ème Grand Prix de Rome, retenons Alfred Selig, Robert Gall, François Fleckinger, Arthur Boxler, Frédérique Knoeri, Jehanne Schira. Au lendemain de la Libération, il les a réunis dans le Groupement des Artistes peintres colmariens (encore appelé: «Les Amis des Arts de Colmar» ou encore «L’Atelier»…) qu’il présida. Il a organisé des expositions personnelles à Colmar, Strasbourg, Paris, Lille. En compagnie d’Alfred Selig et de Jehanne Schira, il était présent au Salon des Artistes Peintres de Colmar, chaque année, de 1954 à 1957.

    Ses techniques étaient variées. Tout d’abord l’aquarelle dont il savait admirablement rendre la transparence des tons, le dessin aquarellé, la gouache, le fusain, le pastel, et, sur le tard, la peinture à l’huile dont, d’après Marc Lenossos «il triture curieusement la pâte et l’applique avec une facture inquiète et tourmentée, intéressante à coup sûr mais nullement décisive.» qui surprend et séduit. C’était une peinture virile, faite d’une pâte épaisse, vigoureuse, mais qui ne manquait pas de finesse.

    S’il réalisa des natures mortes, des portraits dont le sien «en pleine réussite», il était avant tout un paysagiste. Il parcourait les Hautes Vosges dont il connaissait tous les sentiers en tant que skieur et randonneur: les sous-bois romantiques, l’alpestre vallée de la Wormsa, les «premiers frissons printaniers de la vallée de la Fecht, le pâle soleil d’automne avivant l’or roux des champs de nard de la vallée de Munster». (6) Il affectionnait aussi les villages alsaciens riches en motifs architecturaux; autant de thèmes dont il a su rendre l’atmosphère et qui ont révélé son instinct de coloriste.

    Il s’est aussi distingué dans la pratique de la lithographie en produisant des plaquettes sur Riquewihr où il alla se reposer après une longue maladie ayant affecté sa vue, sur Ribeauvillé et Turckheim, en partie réalisées en collaboration avec Jehanne Schira et Alfred Selig. Il illustra également le livre «Libération de Colmar»

 

    Personnalité affirmée, «curieuse» selon Marc Lenossos, Alphonse Klébaur était un homme de goût, épris de tradition classique. La richesse de sa palette, la vigueur de son style, le dynamisme de son coup de pinceau, ont fait dire à Jehanne Schira: «Il fut un excellent dessinateur et aquarelliste…»




Cercle des Arts colmarien 13c.jpgPaysage, 1943, aquarelle



Cercle des Arts colmarien 14c.jpgPaysage, Huile sur toile



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Dans le Ried, Huile sur toile



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Les Spitzköpfe, Huile sur toile



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Le Torrent, Huile sur toile



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Riquewihr, Lithographie, crayon



Cercle des Arts colmarien 19c.jpgRibeauvillé, Crayon






Charles Zeyssolff
(1910-1967)

    

    Charles Zeyssolff est né le 21 mars 1910. Colmarien de souche, il habitait 3 rue Peyerimhof. Il y est décédé le 13 juin 1967, relativement jeune: il n’avait que 57 ans.

    Il a pu exprimer ses talents de dessinateur en tant que peintre sur étoffe aux Etablissement Hartmann à Munster. Il y a appris le travail de la forme, la précision et la minutie jusqu’à la perfection, ce dont il va se libérer… De ce fait, on le dit autodidacte, bien qu’il ait suivi des cours à Paris. A partir de là, il s’est consacré entièrement à son art.

    Cofondateur du Cercle des Arts colmarien, il y côtoie son beau-frère Eugène Noack «qui en est sans en être et qui se satisfait de n’y occuper qu’un strapontin» se rappelle Lucien Naegelen.

    Il expose à Munster, en 1932, avec Alphonse Hadey et Hans Matter (1895-1963), le dessinateur et poète du Menschterthal. Après la Seconde Guerre Mondiale, il expose chaque année à la galerie Huffel, seul ou avec Boxler, Bayer, Fleckinger… Et de 1961 à 1967, tous les ans avec ses amis du Cercle des Arts.

    Il s’est voué exclusivement à la peinture à l’huile. Paysagiste, il affectionnait les champs moissonnés hérissés de gerbes de blé, mais plus encore les paysages de montagne vers la fin de l’hiver, les sous-bois sous la neige, les soirs dorés, les premières fraîcheurs du matin Il a également réalisé d’attrayants bouquets champêtres. Ses talents multiples ont fait de lui un mosaïste, un sculpteur, un modeleur, un concepteur et, même, un constructeur de chars pour le Carnaval de Colmar. La cave coopérative de Kientzheim  et le restaurant de la gare de Sundhoffen s’honorent de posséder une de ses fresques décoratives.

    Fervent de la couleur vive, ses toiles nerveuses, expressionnistes virent au fauve par moments… Elles lui ont valu une clientèle nombreuse et fidèle.



Cercle des Arts colmarien 20c.jpgPaysage d'hiver, Huile sur toile



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Le Fischboedle, Huile sur toile



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Sous-bois, Huile sur toile



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Bouquet, Huile sur toile



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Bouquet, Huile sur toile





Robert Gall
(1904-1974)

         

    Robert Gall a été fidèle à Colmar toute sa vie: il y est né, le 5 janvier 1904. Il y est décédé le 29 septembre 1974. Il était domicilié 12 rue Charles Grad, sans en changer…

    Elève à l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg, il obtint, en 1924, le 1er prix de la Ville. Cette même année, il a été admis, sur concours, à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris. De même que Jehanne Schira, il eut  comme professeur Paul-Albert Laurens.  Il a fréquenté les Ateliers d’Art Sacré de Maurice Denis et Georges Desvallières qui avaient pour but de rénover l’art religieux et fonctionnaient sur le modèle des corporations du Moyen-Age.

    Après la Deuxième Guerre Mondiale, il a été nommé professeur de dessin d’art au lycée Bartholdi, au collège Saint-André, au lycée de Munster et à l’Ecole Normale d’Instituteurs de Colmar. Il était sociétaire de l’AIDA et membre fondateur du Cercle des Arts colmarien. Sa première exposition date de 1931, à la galerie Huffel, place de la Collégiale. En 1934, il organise, à Colmar,  la première exposition d’Art Religieux en Alsace.  Il a participé à plusieurs expositions de l’AIDA, à Colmar. Il était même présent au Salon des Artistes Français à Paris. La Ville de Colmar a mis à sa disposition, à plusieurs reprises la Bibliothèque des Dominicains et en mai-juin 1981, elle y organisa une exposition posthume de ses dessins. La dernière exposition de son vivant eut lieu à Strasbourg à la galerie Gutenberg, en mars 1973.

    Robert Gall était, avant tout un peintre décorateur d’églises. Dès avant 1939, ses fresques lui avaient valu une solide réputation. Cette activité fut considérablement favorisée par les nombreuses reconstructions d’édifices religieux détruits pendant la bataille de la Poche de Colmar en 1944-45. La liste est longue des églises où il a œuvré, à travers toute l’Alsace, de Sewen à Sarreguemines, en passant par le Mont Sainte Odile où il réalisa des fresques représentant l’Hortus Deliciarum,  les vitraux de l’église protestante de Stosswihr, le chemin de croix de Bergheim…

    L’huile et la gouache étaient ses moyens d’expression. Dessinateur, il a illustré quelques livres, notamment, les textes de Paul Schmitt  du «Mont Sainte-Odile» paru chez Alsatia (Colmar) et «Le calvaire de la Victoire en Alsace» qui comporte une suite de 28 dessins évoquant la bataille de Colmar. Celles-ci constituent un témoignage précis et véridique; elles sont, en même temps, d’intéressantes œuvres d’art. Il fournit comme dessinateur héraldiste, au service des Archives départementales, les 28 blasons des chefs-lieux de canton du Haut-Rhin.

Il a, par ailleurs, réalisé des ex-libris, des étiquettes de vins et des affiches.

    Si son thème de prédilection était l’art sacré, il aimait également peindre des paysages des Vosges, des vues de Colmar des maisons anciennes des intérieurs de Labaroche, par exemple. La riche palette de ses huiles et de ses gouaches est celle d’un coloriste à la sensibilité raffinée.

    Dessinateur plus que peintre, son abondante production d’œuvres d’art sacré est reconnue comme étant d’une grande valeur artistique et humaine. Au fur et à mesure du déroulement de sa carrière, il a affermi son dessin, donné plus de relief à ses personnages, obtenu une ordonnance plus rigoureuse et conquis une maîtrise incontestée des grandes surfaces.

    «Il laisse le souvenir d’un homme d’un grand idéal, d’un artiste toujours à la recherche de la beauté. Il a joué un rôle important dans l’activité artistique des dernières décennies à Colmar et dans toute la région.» (L. Sitter, hiver 1974)



Cercle des Arts colmarien 25c.jpgAmmerschwihr, 1945, Lithographie, crayon



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Colmar libéré, le 14 Juillet 1945, Lithographie crayon


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Labaroche, Lavis




Fresque, Bourbach-le-haut







Pierre Sturm
(1927-2004)

 

Cercle des Arts colmarien 28c.jpgPierre Sturm

    

    Pierre Sturm est né à Colmar le 27 janvier 1827. De 1941 à 1944, il étudie le dessin auprès de Paul Schwartz, peintre colmarien. Elève au Lycée Bartholdi, il réussit le baccalauréat en 1947. De 1947 à 49, il est inscrit à l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg avec comme professeurs René Allenbach, Henri Solveen, Ernest Schmitt. De 1949 à 50, il fréquente l’Ecole Nationale Supérieure de Paris. Puis, il revient à Colmar où, en tant qu’artiste peintre de profession, il vit de portraits, de paysages, d’illustrations, de publicités…

    Pierre Sturm se consacre tout d’abord au portrait. Beaucoup de colmariens ont fait appel à son talent pour immortaliser un parent ou un ami, mais aussi pour dessiner une vue de leur maison, de leur atelier ou de leur magasin, de leur rue ou encore pour peindre un paysage qu’ils affectionnent

    Portraitiste, il sait faire vivre ses personnages, traduire les sentiments qui les habitent. A chaque portrait, il adopte la technique de dessin la mieux appropriée, les qualités et les couleurs des papiers supports. Paysagiste, il explore et maîtrise toutes les techniques du dessin: fusain, crayon gras, encre de Chine, lavis, pastels. Il réalise un grand nombre de vues des villes et villages alsaciens et, particulièrement, de Colmar.

    Dire que Pierre Sturm aimait sa ville natale, c’est peu dire; il l’aimait passionnément. Il passait de longues journées à dessiner des vues du vieux Colmar: le quartier des Tanneurs, le quai des Poissonniers, son quartier…. Les porches, les puits, les fenêtres, qu’il reproduisait, étaient riches en détails architecturaux impressionnants de réalisme. Il est devenu un témoin précieux des endroits disparus de Colmar au gré des réhabilitations des années 70.

    Pierre Sturm réalise plusieurs expositions personnelles et de groupe à Colmar, Mulhouse, Belfort et Strasbourg dès 1950. Il participe à Paris au Salon d’Hiver, plusieurs années de suite. Il est présent au Salon International de Nice en 1967 où la médaille d’or lui est décernée. Au Salon International de Cannes, de 1968,  il décroche le trophée d’or. Il participe à l’Académie Léonard de Vinci à Rome et obtient, en 1972, le Grand Prix de la Cité Eternelle. Il fréquente également les Salons de Lyon et de Turin.

    En 2006, sous l’égide de sa sœur Paule Sturm, d’Erwin Cully, André Dennefeld, Jean et André Siegel, une importante exposition rétrospective lui est consacrée qui rassemble la presque totalité des œuvres de Pierre Sturm. Outre ses tableaux, le visiteur y découvrit une collection de soixante cartes postales de vues de Colmar et de villages alsaciens, ainsi que la série de douze lithographies «Regards sur le Vieux Colmar», rassemblées en un album imprimé par Jess-Borocco.

          La Bibliothèque municipale de Colmar et le Fonds d’acquisitions d’œuvres d’art de la Ville de Colmar, conservent un bel ensemble de dessins de Pierre Sturm.



Cercle des Arts colmarien 29c.jpgColmar, vieille porte - Lavis



Cercle des Arts colmarien 30c.jpgAlbert Bayer par P. Sturm






Albert Bayer
(1895-1967)


Cercle des Arts colmarien 31c.jpgAutoportrait


    

    Albert Bayer qui a passé toute sa carrière artistique à Colmar est, en fait, un colmarien d’adoption. En effet, il est né le 29 septembre 1895, à Lauterbourg, à l’extrême Nord-Est de l’Alsace. Il vécut son enfance à Seltz, Bouxwiller et à Strasbourg où il fit ses études secondaires. Sa vocation s’est révélée à lui très tôt. Son don pour le dessin et la peinture, sa passion pour l’art le poussèrent à s’engager dans la vie d’artiste. «Les parents de mon père n’étaient pas très «chauds» explique Suzette, sa fille. Heureusement, un oncle instituteur a encouragé mon père sur cette voie en influençant ses parents. «Vous n’allez pas lui faire faire une carrière administrative! Qu’il devienne professeur de dessin, comme il le désire!» suggéra-t-il.

    A l’époque, être artiste, c’était un peu mener une vie de bohème. Il est vrai que son père, fonctionnaire à la SNCF, avait beaucoup d’ambition pour son fils.»

    Il fréquenta l’Ecole des Arts Décoratifs de sa ville, de 1912 à 1916. Ses études furent sanctionnées par l’obtention du diplôme de professeur de dessin; ce qui convint finalement à ses parents. Enrôlé dans l’armée allemande jusqu’à l’armistice, il n’obtint son premier poste qu’en 1919, à Colmar, au Lycée Bartholdi. Il y resta jusqu’en 1940. De 1923 à 1924, il effectua un «stage» à Paris. En fait, il fut chargé d’un cours de dessin au Lycée Buffon ce qui lui permit de fréquenter l’Ecole des Beaux-Arts, l’atelier de Lucien Simon, affilié aux courants naturalistes et intimistes, et l’Académie Colarossi. Il y subira l’influence de Dunoyer de Segonzac ce qui l’amena à donner plus de vigueur à ses œuvres.

    A partir de 1940, il exerça son métier au Lycée de jeunes filles Camille-See. «Pendant la guerre, nous confie Suzette avec amusement, ma mère achetait des portraits de Hitler pour récupérer les cadres. Elle détruisait les photos et encadrait les œuvres de mon père.» Jusqu’en 1962, quand sonna l’heure de la retraite, il y prépara bon nombre de ses élèves aux différents concours et examens, leur  facilita la voie à des succès. Certains d’entre eux exercèrent plus tard le professorat, d’autres acquirent un nom dans telle branche de l’art, le dessin, la décoration, la céramique. «Cela marchait très bien, se rappelle Marie-Louise Decker, une amie de sa fille, tout le monde était en admiration. Quelques-uns de ses anciens élèves viennent aujourd’hui encore (1992) nous voir. Sa fille également était son élève. Elle peignait comme ça sans faire de croquis au préalable. Son père se fâchait toujours. Elle était très douée, elle avait de qui tenir. Je pense qu’il était un peu jaloux…»

    Albert Bayer était professeur, certes, mais, surtout, artiste. Un artiste infatigable qui a laissé plus de 500 œuvres. Il a utilisé la peinture à l’huile, l’aquarelle, la gouache, le lavis, la lithographie, la gravure sur bois, sur lino… Il est passé maître dans toutes ces techniques.

    Albert Bayer était, avant tout, paysagiste; considéré comme un des plus talentueux de sa génération. En toute saison, il traquait la lumière, fixait les ciels changeants, les ambiances gaies ou nostalgiques de la vallée de Munster, de celle de Kaysersberg, du Rothenbachkopf, vu de Mittlach «ce géant et sa force dont les versants tombent abrupts sur le Kolbenfechtthal» (7), Il s’arrêtait devant les fermes de Labaroche, «les vieux saules tout rabougris, les peupliers élancées ruisselant d’or sur les prés de Herrlisheim»,(7) les bords de la Thur, de la Lauch sous la neige et la glace…

    «Dès qu’il voyait un paysage qui lui convenait il le croquait. Il cadrait avec ses doigts l’angle qu’il allait reproduire sur sa toile; cela m’avait toujours frappée. Sa fille et moi, se rappelle Mlle Decker, l’avions accompagné un jour dans les Vosges. C’était en hiver. Il y avait pas mal de neige. Il portait chapeau et manteau. Il fallait lui mettre une couverture sur le dos parce qu’il faisait froid J’étais chargée de tenir la couverture pendant au moins une heure. Souvent, comme ce jour-là, nous partions ensemble.»

    Il ne s’est pas cantonné à faire revivre la beauté et la richesse pittoresque de l’Alsace. Il aimait la Franche Comté, la vallée du Doubs surmontée des rochers du Jura. «Il affectionnait particulièrement le Midi, mentionne Mlle Decker, Il était attiré par la Provence, plutôt que par la Côte d’Azur (Gigondas, Rasteau, Cairanne). Chaque année, il s’y rendait accompagné de sa famille. Il a peint, notamment, la Montagne-Sainte-Victoire, chère à Cézanne.»

    Albert Bayer peignait toujours à l’extérieur. Mais, quand il ne faisait pas beau, il composait des natures mortes. «Il achetait toutes sortes d’objets: des vases, des bibelots…qu’on a d’ailleurs conservés», se souvient Suzette. Si bien que ses natures mortes étaient toutes d’une grande originalité.

    A partir de 1920, à l’âge de 25 ans, il exposa ses œuvres à Colmar, rue des Têtes, dans la galerie Brünnle, depuis longtemps disparue. Par la suite, il se présenta régulièrement au Foyer du Théâtre, à la galerie Huffel et à la galerie Broglin. Il est resté fidèle à Strasbourg où il exposa six fois à la Maison d’Art Alsacienne. Il s’y présenta pour la dernière fois en 1967, un mois avant sa mort. Il participa à toutes les expositions de l’AIDA dont il était membre depuis 1925. En tant que président des Artistes et Amis des Arts de Colmar, avant la guerre, il organisa plusieurs expositions avec ce groupement. Après la guerre, il exposa régulièrement avec ses amis du Cercle des Arts colmarien. En 1965, lors de son 70ème anniversaire, il organisa à la galerie Huffel une exposition rétrospective qui connut un beau succès.

    En 1980 l’Association pour les Loisirs et l’Education Permanente a organisé une exposition au Koïfhus en réunissant quelque 135 toiles, aquarelles et lavis. Le Koïfhus renouvela cet hommage à Albert Bayer 25 ans après sa mort, en 1992, dans la salle Roesselmann, à la demande des proches de l’artiste.

    L’amour et le respect qu’il éprouvait pour la nature, l’irrésistible envie de peintre sur le motif, expliquent qu’il n’était pas du tout attiré par l’art abstrait. «Il aimait plutôt Cézanne et Dunoyer de Segonzac», se rappelle Suzette. Ses paysages étaient appréciés pour leur luminosité, leur composition équilibrée et l’harmonie des couleurs. Son contact permanent avec la nature, son tempérament enthousiaste et sa capacité à saisir le bon moment avec une rapidité vertigineuse, lui ont permis de préserver sa fraîcheur juvénile et de laisser paraître ses sentiments, parfois empreints de nostalgie, voire de tristesse. Coloriste enjoué, féru de technique, il s’est exprimé dans un style impressionniste marqué.

    Louis Fritsch parle d’«un certain romantisme affectueux et réfléchi en contact direct avec la nature. Du dessin et de la peinture de qualité. Un art qui «est» et ne se discute pas, car la qualité est plus importante que l’appartenance à telle ou telle école…»

 Il a su nous communiquer l’âme de l’Alsace et la poésie qui émane d’elle.



Cercle des Arts colmarien 32c.jpgAutomne, Huile sur toile



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Entrée du village, Aquarelle



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L'arbre rouge, Huile sur toile



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Le "Petit Château" de Walbach, Aquarelle


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Village de Gundolsheim, Huile sur toile


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Riquewihr, Lavis


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Arthur Boxler
(1910-1964)

 
    Arthur Boxler est né le 21 août 1910 à Niedermorschwihr, au pied des Trois-Epis, où sa famille tenait un hôtel bien connu dans la région. Il était domicilié 2, Cours de Provence à Colmar, où il est décédé le 30 juin 1964, à seulement cinquante-quatre ans.

    Il a été successivement élève de l’Ecole des Arts Appliqués de Colmar, de 1924 à 1927 où Alphonse Klébaur était son professeur, de l’Ecole de dessin de Mulhouse, de l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg et de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris où, parallèlement, il fréquenta l’Académie Colarossi et l’atelier Charles Blanc, auteur d’une Grammaire des Arts du Dessin qui fut un bestseller. Cette somme d’études l’engagea à se consacrer entièrement à la peinture, dans son atelier installé à Colmar.

    Ultérieurement, il jugea nécessaire d’accéder à un emploi rémunéré. Ainsi, il entra à l’Imprimerie Alsatia de Colmar en tant que créateur d’étiquettes de vin et d’affiches.

    Membre des Amis des Arts de Colmar, puis du Groupement des peintres et sculpteurs, il rejoignit, enfin, le Cercle des Arts. Il organisa quelques expositions personnelles. Mais il participa surtout aux expositions  des différents groupes auxquels il appartenait, à Guebwiller, notamment au premier salon international de peinture et de sculpture de 1960, à Mulhouse, à Strasbourg, à Colmar, au salon d’automne, de 1947 à 1964.

    Ses techniques de prédilection sont l’huile et le dessin. Vers la fin, il donne sa préférence aux arts graphiques: dessin à l’encre et au crayon. «Colmar», qui comporte 12 planches est sa dernière œuvre. «Elle occupe dignement sa place parmi les Alsatiques de choix» (L. Kubler) Il laisse des aquarelles, des gravures sur bois, des linos, des «manières noires», procédé long et délicat qui permet d’obtenir des estampes aux infinies tonalités de gris. Il est créateur de tissus. Il illustre de nombreux livres dont certains de Lucien Sittler, son partenaire attitré. Il crée le diplôme de la Confrérie de Saint-Etienne et le menu du banquet officiel de la Libération de Colmar présidé par le général de Lattre de Tassigny. Un de ses tableaux, commandé par la Ville, a été offert à Vincent Auriol, Président de la République, de passage à Colmar, en janvier 1949.

    Paysagiste, il affectionne les sites des Vosges, qu’il parcourut en compagnie d’Alfred Selig et de François Fleckinger, «les synopticiens du Hohneck…». Une de ses toiles «Sous-Bois du Franckenthal» a été acquise par l’Etat. Il peint des fleurs, des portraits. Sa participation aux expositions des Amis des Arts révèle l’influence d’Alfred Selig. Il a su s’en émanciper par un coloris délicat, «une touche brillante dont il sut dépeindre vergers et forêts et les ciels lumineux des montagnes» (L. Kubler) Sa manière de traquer la lumière fait penser à René Kuder.

    Graveur classique, virtuose du crayon, «Arthur Boxler laisse le souvenir d’un homme dont les qualités morales répondent au talent.» (René Spaeth)



Cercle des Arts colmarien 39c.jpgFrontispice de la pochette "Colmar"



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"Colmar" Le Puits, Crayon


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"Paysage enneigé"






François Fleckinger
(1907-1993)


Cercle des Arts colmarien 41c.jpgFrançois Fleckinger par P. Sturm

    
    

    «Je suis un romantique, au fond», avoue François Fleckinger lors du vernissage de l’exposition  rétrospective qui lui a été dédiée en mars 1987 par la Ville de Colmar. Au fait, qu’est-ce que le romantisme? Selon Delacroix, il s’agit de la libre expression des impressions personnelles de l’artiste et de son éloignement des types sans cesse répétés. Les Romantiques allemands, de leur côté, se servent de la couleur, mais peignent avec leurs sentiments, au contact avec la nature. Ce qui donne des paysages-états d’âmes, le tout baigné d’une lumière inquiétante pleine d’une mystérieuse irréalité.

    François Fleckinger est né le 11 mars 1907 à Eguisheim. De 1923 à 1927, il suit les cours d’Alphonse Klébaur, à l’Ecole des Arts Appliqués de Colmar. Puis, pendant un semestre, celle de Strasbourg. Au début de son service militaire, à Lyon, il a la chance d’être remarqué par le colonel qui lui offre la possibilité de poursuivre ses études de peinture à l’Ecole des Arts Décoratifs de la ville. Durant toute cette période, il est en contact avec des artistes alsaciens de renom tels Albert Bayer, Robert Gall, Alfred Selig.

    En fait, il avait commencé à peindre dès l’âge de quinze ans, mais sa carrière a failli se dérouler sur un échafaudage… En effet, son père désirait l’enrôler dans son entreprise de peinture en bâtiment, ce qu’il refusa «Je devais apprendre à imiter le marbre et les veines du bois, cela ne m’enthousiasma guère…»

    «La peinture, c’était la passion des samedis et des dimanches, le reste de la semaine il fallait penser à nourrir la famille». Il s’en donne les moyens en dispensant des leçons particulières et surtout en devenant professeur à l’Ecole des Arts Appliqués de Colmar durant l’occupation allemande. Résistant, passeur dans les Vosges, il fut dénoncé et incarcéré à Schirmeck, dans le camp de sinistre réputation, antichambre de la mort pour beaucoup. La paix revenue et la liberté recouvrée, il se consacre entièrement à son art. Colmarien d’adoption, il acquiert une petite galerie d’art au 7, rue des Unterlinden.

    Il entre à l’Académie d’Alsace, devient sociétaire de l’AIDA et des «Artistes Français». Jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans, il enchaîne les expositions, à Paris, Lille, Strasbourg (galerie Aktuaryus), Mulhouse (SIM) et surtout, à Bruxelles, à l’exposition internationale de 1964. Il a remporté de nombreuses médailles et distinctions (Grand Prix de Peinture de Nice en 1967, Grand Prix de Peinture de la Côte d’Azur de 1964 à 1966, Prix Zwiller en 1962, au Salon des Artistes français.)

    François Fleckinger est un aquarelliste réputé inégalable. «Technique correspondant le mieux à son tempérament, c’est dans l’aquarelle que son talent excelle, atteignant une maîtrise rare, inégalable… Son naturel fougueux, l’acuité et la justesse du regard, la spontanéité du geste et sa prestesse conditionnent la réalisation de ses aquarelles où personne mieux que lui ne sait exprimer l’exubérance, la joie de vivre avec un brin de fantaisie une sérénité glissant vers l’émotion.» (P.S. Picard)

    Par ailleurs, il maîtrise parfaitement la gouache, l’huile, la lithographie… Il s’exprime dans des domaines aussi variés que la décoration (Composition sur le vin d’Alsace dans la gare de Colmar), la création d’affiches, de panneaux touristiques, d’étiquettes de vin, l’illustration («Le vignoble de Turckheim» par André Billisch).

    Si son œuvre comporte de nombreux portraits centrés sur le regard et des bouquets minutieusement travaillés, François Fleckinger est, avant tout, un remarquable paysagiste. Peu intéressé par l’effet carte postale du vieux Colmar, il se tourne délibérément vers les villages environnants, les Vosges, les témoins du passé , telles les ruines laissées par la bataille de Colmar, le thème de l’eau et celui de l’arbre, mais également les paysages de Haute Provence où il se rend chaque année pour traquer une autre lumière dans les petits villages qui tombent en ruines, parmi «les cyprès, les couleurs, le style roman»…

    Peintre foncièrement alsacien, les Vosges sont pour lui une inépuisable source d’inspiration. Il préfère peindre sur le motif, au grand air. Il lui répugne de rester confiné dans son atelier. «Nul mieux que lui sait capter l’instant, la lueur fugace, le reflet changeant.» (P.S. Picard) et transmettre, transcender l’émotion ressentie en quelque chose d’intemporel; voir et se laisser imprégner par le paysage afin de lui donner du caractère.

    Coloriste né, il met sa palette chaleureuse au service d’un impressionnisme respectueux de la réalité et de l’âme des sites. Sa touche – une texture lissée- devient expressive quand il veut traduire des ciels tourmentés – wagnériens -, des effets de lumière violents, quand il veut restituer des ambiances dramatiques, voire angoissantes. De ce fait l’été ne l’intéresse guère. «La plaine, alors, est toute verte, sans nuances, un gigantesque jardin potager. Pas intéressant». Il préfère l’automne et l’hiver propices à la poésie

    Insensible aux modes, François Fleckinger, qui n’a reconnu que van Gogh comme seul maître, a su rester un artiste authentique, sincère, un observateur sensible, attentif qui, avec parfois une étonnante économie de moyens, a créée des images qui parlent aux yeux et au cœur.

François Fleckinger est bel et bien un Romantique!



Cercle des Arts colmarien 42c.JPGSentier de randonnée, Aquarelle



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Mittlach, le Rothenbachkopf, Huile sur toile




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Vue sur la vallée, Aquarelle



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Congère au-dessus du Frankenthal, Aquarelle vers 1970



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Le Rescapé, Aquarelle



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Bouquet, Aquarelle


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Près d'Arles, Aquarelle


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Chapelle en ruine, 1945 - Ammerschwihr
Aquarelle







Alfred Selig
(1907-1974)

 

Cercle des Arts colmarien 49c.jpgAlfred Selig     © F. Selig


     

    Alfred Selig est né à Colmar, le 7 janvier 1907. Il est le fils de Louis Selig, boucher-charcutier et d’Eve Strohl. Il se marie en 1936 avec Madeleine Hilfiger, fille de Meinrad Hilfiger, coiffeur, parfumeur, gantier, établi à l’angle de l’ancienne rue des Juifs, aujourd’hui, rue Berthe Molly et de la rue Corberon.

    Poussé par une vocation précoce, il apprend très jeune son métier d’artiste peintre dans la toute nouvelle Ecole Pratique d’Industrie et d’Arts Appliqués de Colmar, section dessin- peinture, qu’il fréquente de 1923 à 1926. Il est l’élève d’Alphonse Klébaur. Arthur Boxler est un de ses camarades de classe, relations allègrement illustrées par Eugène Noack dans le tableau choisi comme frontispice de la présente étude.

    De 1926 à 1929, il suit les cours de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris et s’inscrit à l’Ecole Supérieure de Dessin ainsi qu’à l’Académie Colarossi. Pendant cette période, il entreprend des voyages d’études à Munich, aux Pays-Bas, dans le Sud de la France et en Italie. Voyages qu’il poursuivra tout au long de sa carrière. Il effectue son service militaire en Tunisie, d’où il rapporte, en 1930, des œuvres remarquables, des huiles et des aquarelles, considérées par certains critiques comme les meilleures de sa production. Les ombres et les lumières de ses paysages et scènes de genre sont réparties au couteau avec une pâte généreuse. Allant à l’essentiel, Alfred Selig leur confère une simplification qui n’est pas sans rappeler les nabis. Bizerte (1930) témoigne de la liberté d’expression qui caractérise ces peintures et esquisses de voyage. (Voir la monographie qui lui a été consacrée.)

    Après son service militaire, il revient à Colmar où il ouvre un atelier d’art et de décoration qu’il maintient en activité jusqu’à son décès, en 1974. A partir de 1936, il intègre le monde des arts appliqués. Il devient l’adjoint de Léon Stein au Théâtre municipal de Colmar. En 1938, il lui succède comme maquettiste, décorateur et directeur technique du Théâtre. Il y effectuera toute sa carrière, jusqu’en 1970 quand sonnera l’heure de la retraite. Francis Gueth et Fabienne Schweitzer rappellent que durant cette période, il créa de nombreux décors de théâtre, des costumes, des programmes et des affiches pour le Théâtre de Colmar, mais aussi pour l’Opéra de Strasbourg, pour le Syndicat d’initiative de sa ville…Il s’exprime aussi bien dans le petit format que dans le très grand. Il réalise des décors intérieurs pour plusieurs bâtiments: l’école de Pulversheim, l’hôtel Terminus de Colmar, celui de la Cigogne de Munster, le Museum d’Histoire Naturelle de Colmar… Il a beaucoup œuvré pour la Foire aux vins de Colmar (le «Village alsacien», plusieurs stands d’exposition)

    Pour autant, il n’abandonne pas son activité d’artiste peintre et de graveur. Il réalise des huiles et des aquarelles. Si dans sa jeunesse, il peignit surtout des fleurs, puis des natures mortes et des nus, ses thèmes de prédilection sont, par la suite, la nature, les Vosges en toute saison, les villages alsaciens, les lieux pittoresques. Travaillant sur le motif, il devient un témoin sincère et affectueux du patrimoine alsacien.

    Il excelle aussi dans les travaux graphiques, essentiellement la lithographie. Les bibliophiles apprécient sa série de sept lithographies Terre d’Alsace (1950) qui présentent, entre autre, la petite chapelle votive de Kaysersberg, les remparts de Thann, le clocher vrillé de Niedermorschwihr, les ruines et les rochers d’Obersteinbach, la romantique…Citons également les treize lithos portant sur Riquewihr, datées de 1950, et les douze lithos de Ribeauvillé réalisées en collaboration avec son ancien professeur Alphonse Klébaur et Jehanne Schira,tous deux, des amis.

    Il participe à l’illustration de divers ouvrages. Notamment: Festival du centenaire du théâtre  municipal de Colmar (1951), Les châteaux et sites pittoresques de la région de Wintzenheim (1960)… Il produit une cinquantaine d’affiches dont beaucoup sont conservées à la Bibliothèque des Dominicains de Colmar. Ses quarante ex-libris sont appréciés des collectionneurs pour la vigueur de leur dessin, la qualité de leur composition et l’originalité de leurs sujets. Ils ont souvent été primés et lui ont valu d’être distingué en tant que «maître du noir et blanc». La liste complète de ses ex-libris, établie par son fils Daniel est parue dans le «Cahier des ex-libris» n° 4, publié en mai 1984 par le Musée de l’imagerie peinte et populaire alsacienne de Pfaffenhoffen.

    Il adhère à plusieurs associations artistiques régionales: l’AIDA (Association des Artistes Indépendants d’Alsace), le Cercle des Arts colmarien dont il fut co-fondateur et vice-président, la Société Schongauer de Colmar, l’Académie d’Alsace…En conséquence, il participe à de nombreuses expositions collectives à Colmar et à Strasbourg, avec Jehanne Schira, François Fleckinger, Paul Blazi, Arthur Boxler, Charles Zeyssolff. Il organise également des expositions personnelles, notamment avec son fils Daniel, entre 1960 et 1973. Après son décès en 1974, survenu bien trop tôt, il n’avait alors que soixante-sept ans, la ville de Colmar rend hommage à l’homme et à son œuvre par deux expositions rétrospectives en 1975 dont celle décidée par Francis Guth à la Bibliothèque des Dominicains. Sa belle-fille, Françoise Selig, organise plusieurs expositions consacrées à Alfred et à Daniel, en particulier à Colmar en 1978, 1979 et 1982, aux Trois Epis, à Eguisheim, et à Metz, en 1993.

    Son intense activité au lycée technique de Colmar lui vaut d’être décoré des Palmes Académiques. Il est, par ailleurs, titulaire de la Médaille de la Résistance Française. Son œuvre a été récompensée par le Grand Prix International de peinture de Deauville en 1965, et la même année, par le 1er Grand Prix de la Côte d’Azur. De ses tableaux ont été acquis par les musées de Colmar et de Strasbourg ainsi que par les bibliothèques municipales de Colmar et de Mulhouse.

    Bien que cheminant en compagnie de ses amis du Cercle des Arts, Alfred Selig est resté hors de tout système. «Il ignore les amours de rencontre» dit le critique Roger Kiehl. Le solide métier acquis aux Beaux-Arts de Paris, son sens aigu de l’observation, sa sensibilité poétique, son tempérament fougueux lui valent d’être reconnu. Il est notamment recherché pour l’ambiance juste de ses paysages: l’âpreté de la montagne, la mélancolie d’un sous-bois, l’atmosphère d’un orage, l’angoissante vision d’un sommet neigeux…pour la vigueur de ses aquarelles traitées en prise directe qui sont d’une rare spontanéité et pour l’élégance de ses coloris adaptés au sujet: puissance du Hohneck, subtilité des nuages dans La Mare, éclairage cru dans Colmar sous l’orage.

    Dans son style «fauve» à la palette somptueuse, aux couleurs jaillies de son tempérament fougueux, parfois tourmenté, Alfred Selig a, au fil des années, évolué vers plus de sérénité, une plénitude heureuse. A la fin de sa vie, ses couleurs s’adoucissent, deviennent plus sourdes, mais, toujours appliquée en touches larges, dans une juxtaposition fouillée, sensuelle.



Cercle des Arts colmarien 50c.jpgSous-bois, Huile sur toile




Cercle des Arts colmarien 51c.jpgLe petit pont, Aquarelle



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Riquewihr, Aquarelle 1943



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Kaysersberg, Aquarelle



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Mittlach, Rothenbachkopf, Huile sur toile


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Riquewihr, Lithographie, crayon


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Ex-libris - Henri Zeyssolff



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Le Giersberg - Mine de plomb



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Le passage du témoin  © F. Selig






Daniel Selig
(1942-1990)

    

    Quel bel exemple pour la petit Daniel. Ses premiers pas le conduisent instinctivement à «s’accrocher aux pattes des chevalets, de jouer avec les pinceaux de papa avant de réaliser des fresques qui devaient tout à l’art brut sur les murs de sa chambre d’enfant. Mais, trêve de plaisanterie, dit l’auteur de l’article de presse, un peintre a engendré un autre peintre».

 

    Et, un jour, très vite, car Daniel sera actif dès sa jeunesse, ils formeront un duo célèbre dans le milieu artistique colmarien. Ils partageront le même atelier, rue de la Houblonnière. Malgré la forte divergence de leur style et de leurs sources d’inspiration, une tendre complicité s’établit entre eux dans le respect mutuel étant très proches de tempérament. Ils exposeront souvent ensemble dans des confrontations aussi osées qu’émouvantes. Passionnantes!...



Cercle des Arts colmarien 58c.jpgDaniel Selig en son atelier en 1985    © Studio A



    Par ailleurs, c’est aussi parmi les décors de la Foire aux Vins et du Théâtre municipal de Colmar dont Alfred, son père, était directeur technique, que le jeune Daniel s’est éveillé à l’art. Et ce, dans une ambiance authentiquement colmarienne. Ambiance vivifiée par la fréquentation des peintres de la génération d’Alfred: Jehanne Schira, Alphonse Klébaur, Arthur Boxler, François Fleckinger, Albert Bayer, qui étaient les protagonistes du Cercle des Arts. La proximité de cette brochette de talents divers, la complicité qui régnait entre eux, ont forcément marqué et influencé Daniel Selig. Même le souvenir de Hansi a pu imprimer son empreinte: Daniel avait neuf ans quand mourut, en 1951, l’oncle Hansi, grand admirateur de l’oeuvre de son père: «Sélig, Dü besch d’r bescht!...» (Selig, tu es le meilleur.)

    Avide de savoir, insatiable visiteur de musées, incollable en Histoire de l’Art, amoureux de musique classique et de jazz, il ne dédaignait pas les nourritures terrestres…gastronomiques! A l’instar de l’instrumentiste qui vise la virtuosité, il fit des gammes toujours et encore pour enrichir et diversifier sa technique. Il savait que le talent était à ce prix et que lui seul pourrait lui permettre de s’éclater dans l’improvisation. La passion qui l’animait devait composer avec la raison qui structurait l’homme de science: le docteur Selig (allergologue) «Il peint le samedi après-midi pour ne pas être un peintre… du dimanche». Le septième jour, celui du repos en famille, avec son épouse Françoise et sa fille Catherine, se déroulait paisiblement à Holtzwihr, chez les beaux-parents, le plus souvent.

    Alors qu’au départ, Alfred fut l’un des premiers maîtres à suivre, celui qui montre le chemin, très vite, Daniel traça sa propre route, suivant en cela le précepte que voici: «N’allez pas où le chemin peut mener, allez là où il n’y a pas de chemin et laissez votre trace.» Il donna libre cours à son imagination. Ses lectures, De Chirico en particulier, l’ont orienté vers le surréalisme, le fantastique, la science-fiction, la mythologie, jusqu’à l’abstraction, aussi intrigante que séduisante…

    En 1974, l’année du décès de son père, avec Marcel Helfer, Frédéric Schicke et Paul Flickinger, Daniel fonde le groupe Art-Recherche qui fut une sorte de filiale du Cercle des Arts. Ce groupe d’artistes colmariens, artistes-peintres, sculpteurs, céramistes, ne s’est pas constitué autour d’un programme ou d’un manifeste. Au réalisme régional, traditionnel, ils prétendent, à l’instar du groupe de la Barque, opposer le «droit à l’imagination», chacun à sa manière, bien évidemment, dans leurs productions figuratives stylisées, surréalistes ou abstraites. L’objectif étant, avant tout, d’organiser des expositions en commun. La première eut lieu, l’année de la création du mouvement, à Niederbronn-les-Bains. Suivent des expositions à Strasbourg, Mulhouse, Freiburg i. Br, Paris, Saarbrücken, Lucerne… et les traditionnelles expositions dans la salle Roesselmann de l’Ancienne Douane à Colmar

    Bien que chacun reste fidèle à sa thématique, ils éprouvent un besoin commun de recherche vers de nouveaux modes d’expression, en vertu du constat suivant, fait par Daniel Selig: «L’imaginaire, de nos jours, est bel et bien l’une des rares portes encore ouvertes aux chercheurs en art. Tout a été fait, toutes les techniques ont été essayées, seule l’imagination est sans limite

    Au sein de ce groupe, ils sont treize, à la recherche d’une écriture personnelle: Monique Alm dont les petits dessins appliqués au crayon, sont d’une pureté de lignes obtenues par un travail serein et élégant, Claude Cazanova, qui joue sur les contrastes avec l’outil le plus vulgaire: le stylo à bille…, Jean du Cailar, artiste-architecte, aux paysages chatoyants, riches en couleurs joyeuses et véhémentes, Paul Flickinger, Marcel Helfer «qui obtient, chez le spectateur, par un attrait subit, toute l’évocation, tout l’attirant de l’incertain sur les confins de la pensée. Le mérite de ses tableaux, c’est l’indéfinissable» (3), Rolf Holtzmann qui peint sur des feuilles d’aluminium, grave sur des pellicules photos impressionnées, Frédéric Kuhlmann, dont les paysages aux tons chauds sont appliqués en carrés, dans une harmonie sobre, Martine Missener, et son économie de moyens vers laquelle tendent les virtuoses, Joseph Saur, qui, dans ses sculptures allie avec bonheur le marbre et l’ébène, Frédéric Schicke, qui anime le marbre blanc de rythmes souples et amusants, Claudia Tisserand, aux compositions décoratives séduisantes et qui s’est vouée à l’Hortus Deliciarum, enfin, Alain Tisserand, qui, dans un style libre, au crayon lithographique et à la craie, puise ses thèmes dans l’architecture fantastique.


Cercle des Arts colmarien 59c.jpgLa femme aux cheveux d'Or, 1982 - Huile sur toile, 33 x 24 cm   © F. Selig



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Unique Lumière, 1973 - Huile sur toile, 38 x 46 cm   



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Horizons des fièvres volcaniques - Huile sur toile



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Lueurs inavoués, Huile sur toile


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Ex-libris, Françoise, crayon


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Lavis



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Pointe sèche




    Plusieurs, parmi les membres du Cercle des Arts: Jehanne Schira, Alfred Selig, François Fleckinger, Arthur Boxler, ont été les élèves de l’Ecole pratique d’industrie et d’arts appliqués de Colmar  qui a été créée en 1889 et qui a fonctionné jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. Elle était située rue des Ecoles, dans le centre historique de la ville

    Outre les métiers de la pierre, du bois et des métaux, l’école prend en compte les disciplines artistiques de la peinture, de la sculpture, des métiers du livre et de la tapisserie. Elle assure un enseignement de l’histoire de l’art.


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L'Ecole Pratique d'Industrie et d'Arts Appliqués de Colmar, Actuel Collège Victor Hugo   © Archives de la Ville de Colmar



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Les élèves au travail, 1912  © Archives de la Ville de Colmar



    Les expositions du Cercle des Arts qui se sont succédé régulièrement tous les dix-huit mois, ont permis aux Colmariens de découvrir un nombre impressionnant d’artistes divers: peintres, dessinateurs, sculpteurs, céramistes… «D’une année à l’autre, écrit, dans l’Annuaire de la Société historique et littéraire de Colmar, le journaliste qui tient la rubrique de la vie artistique, le Cercle des arts de Colmar nous offre les prémices d’un art toujours en recherche, dans lequel les personnalités des artistes, restant prépondérantes, ne portent pas préjudice à chacun des autres exposants».

    Chacun des participants, par sa facture personnelle, sa richesse de couleurs, son talent, a enrichi ces expositions dignes de la ville de Colmar qui s’enorgueillit d’avoir été, grâce à eux,  un centre artistique de première valeur.

 

 

 

Bibliographie

 

-       Gabriel Braeuner – Colmar en France, Chronique des années cinquante et soixante – Ed du Belvédère – 2014

-       Gabriel Braeuner – Portraits colmariens – Ed. Jérôme Do Bentzinger – 2006  (2)

-       Emmanuel Honegger (Préface de Francis Guth et Gabriel Braeuner – Daniel Selig – Le Verger Editeur (1)

-       Lucien Naegelen – Eugène Noack. Les rêves de papier – Editions Du Rhin – 1995 (4)

-       Robert Heitz – Etapes de l’Art alsacien XIXème et XXème siècles – Saisons d’Alsace N°47, 1973

-       Edouard Dabrowski L’exposition du groupe «Art-Recherche» - L’Alsace, novembre 1978 (3)

-       L. Sittler – Albert Bayer – Annuaire de la Société historique et littéraire de Colmar – 1968 (7)

-       Denis Heyberger – Le béret, la pipe, la lavallière, Jehanne Schira a 80 ans – «L’Alsace» 25 avril 1984 (5)

-       Me Lotz – Artistes-peintres alsaciens de jadis et naguère – Ed. Printek, Kaysersberg

-       Marc Lenossos – Physionomie d’artiste. Alphonse Klébaur, céramiste, aquarelliste et peintre – La Vie en Alsace    (6)

-       L. Kubler – Arthur Boxler – Annuaire de la Société historique et littéraire de Colmar – 1965

-       René Wetzig – Dictionnaire des signatures des peintres, dessinateurs, lithographes et graveurs alsaciens – Ed Jéröme Do Bentzinger - 2015

   Crédit Photograhique
 F. Walgenwitz, sauf mention spéciale



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