Culturel



" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir

   des passionnés d'Art Alsacien "                      

                               

  Monographies de Peintres Alsaciens par François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.fr


                          

Frédéric Fiebig 

(17 Mai 1885 - 6 Février 1953)



 Un destin tragique


    Des plaines mélancoliques de Courlande à l’accueillante Alsace, Frédéric Fiebig «a longtemps et souvent désespérément lutté pour conquérir et maîtriser son art. Après une vie de misère et de privations, il a su trouver son style et son mode d’expression et en donner une réalisation magistrale».(K. Kapsreiter-Homeyer: «F. Fiebig, sa vie, son oeuvre» ).
  
    Fiebig est né à Talsen, en Lettonie. En 1905-1906, Il entre en apprentissage à Saint-Pétersbourg; mais le conservatisme et le copiage de portraits qu’on lui impose l’entravent. Avec son épouse et protectrice, Elisabeth Krause, son aînée de 20 ans, une femme exceptionnelle, il émigre en France. Il s’installe à Paris, travaille à l’académie Julian si propice au développement personnel, et décide de vivre pleinement sa vie d’artiste bohème. Il y découvre les peintres de Barbizon et les impressionnistes, notamment Monet. . En 1911, il traverse toute l’Italie à pied de Lugano à Naples, tout en peignant. Ses puissantes vues de Naples et de Gênes, sont saluées par Apollinaire.


    Après de brefs séjours dans le sud-ouest, il se fixe, en 1929, à Sélestat avec son épouse, sa fille Raya et son fils Eric. Celui-ci, atteint d’un mal incurable meurt en 1932 à 11 ans. Fiebig, très affecté, fait alors le serment de vivre à proximité de sa tombe.



Le solitaire du Taennchel


Durant l’année 1934, il se retire dans le massif du Taennchel où il vit en ermite dans sa «Grimmelshütte», un abri sommaire destiné aux randonneurs…On parle alors de lui comme d’un peintre maudit, misanthrope, ombrageux. De retour à Sélestat, il participe, en 1936, à l’expo des Artistes et Amis des Arts de Colmar. Sa personnalité forte et l’originalité de son talent lui valent un franc succès. 80 à 100 toiles sont vendues cette année-là; Unterlinden acquiert trois de ses tableaux. Mais, deux événements tragiques, la mort de son épouse en octobre 1942 et, en 1943,  la déportation de Raya, parce-que fille de mère juive, le plongent dans une profonde dépression encore accentuée par le fait que ni sa demande de pension, ni celle pour obtenir la nationalité française ne sont satisfaites.. Tombé dans l’oubli, il meurt le 6 février 1953, abandonné de tous. «Le trait est tiré sous l’addition de la misère» (Daniel Whalter)

Pourtant son talent était reconnu par les plus réputés des critiques: Guillaume Apollinaire, Francis Carco, André Salmon. Henry Breuil, le plus élogieux, dit de lui: «Il ressent à la façon des grands maîtres de la musique» L’académicien, Maurice Rheims, partage leur enthousiasme et le considère comme le seul peintre français ayant fait partie du mouvement «Die Brücke» qui, au début du XXème siècle, combinait «passion nordique, exaltation slave et obsessions germaniques». En fait, il a évolué du postimpressionnisme vers l’expressionnisme.

Il a surtout réalisé des paysages champêtres montrant des paysans au travail: scènes de fenaison, saisies dans des atmosphères variées: «Il en est de matinales et de crépusculaires, d’autres où le ciel s’assombrit, d’autres tout ensoleillées; ce qui n’est pas sans rappeler la série des meules de foin de Monet que Fiebig admirait.» (K. Kapsreiter-Homeyer) Mais il a aussi représenté des rues de la vieille ville de Sélestat, des maisons à colombages, des cours, le long de la Route des Vins.


Le parti pris du triangle


    Par un subtil travail au couteau et à la spatule, F.Fiebig. s’avère un artiste spontané qui maîtrise de façon tout à fait étonnante la lumière et la couleur. Ses huiles sur toile ou sur carton, souvent de petit format, sont remarquables par de savantes combinaisons de valeurs, la rigueur de leur construction, l’originalité des coloris pastels délicatement nuancés. Ses paysages sont constitués de dessins géométriques proches de l’abstraction et dont le module de base est le triangle. Le triangle est devenu en quelque sorte son emblème, il confère à ses tableaux une puissance, une agressivité  tempérée par de vastes étendues d’un jeu de couleurs enchanteur

    Aujourd’hui, son œuvre connaît une faveur grandissante; ses toiles sont recherchées, des rétrospectives lui ont été consacrées au Koïfhus à Colmar, en 1982, à la galerie Oberlin à Strasbourg en 1984; ses tableaux sont présents à Moscou, au musée Tolstoï, à Riga, et, bien sûr, dans nos musées alsaciens. Ce n’est pas sans émotion que nous contemplons les paysages de cet artiste éprouvé qui a su «dégager l’âme, l’essence des choses».


© Raya FIEBIG
Autoportrait – Huile sur carton – 1905 – (16,2 x 20,6)



© Raya FIEBIG
Giersberg – Huile sur carton – 1934 – (23 x 21 cm)


© Raya FIEBIG
Fenaison, ciel d’orage – Huile sur carton – 1930-34 – (18 x 16,5)


© Raya FIEBIG
La Grimmelshütte – Huile sur carton – 1934-35 – (12,5 x 12,3 cm)


©Colmar, musée Unterlinden
Près de Thannenkirch – Huile sur carton – vers 1930


© Raya FIEBIG
Le port de Gênes – Huile sur carton – 1911


© Raya FIEBIG
Enfants dans le pré – Peinture au couteau – 1930


© Raya Fiebig
Chapelle Saint Sébastien
– Peinture au couteau - 1931


© Raya Fiebig
Rodern
– Huile sur carton- 1930-34


© Raya Fiebig
Au Taennchel
– Peinture au couteau – 1934-35


                         

Bibliographie:

- Frédéric Fiebig – répertoire des artistes alsaciens – Me LOTZ

- La page consacrée à Frédéric Fiebig dans «Courlande» de J.-P. Kauffmann

- Les peintres et l’Alsace; autour de l’impressionnisme – Hélène Braeuner

- Frédéric Fiebig; sa vie et son œuvre – Kyra Kapsreiter-Homeyer - © Raya Fiebig

- Frédéric Fiebig. Des plaines de Courlande au Ried alsacien. Préface de Me M. Rheims; textes de Nadine Lehni, M.-Jeanne. Geyer et Daniel Walther ©Raya Fiebig

  

Crédit photographique:

- © Raya Fiebig. Avec l’aimable autorisation de Monsieur Joseph LOGEL, légataire universel de l’œuvre.

- © Colmar, Musée Unterlinden


 
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