Culturel




" Une vie, une Oeuvre, pour le plaisir

   des passionnés d'Art Alsacien "                      

                               

  Monographies de Peintres Alsaciens par François Walgenwitz
francois.walgenwitz@sfr.fr
                      

 

Sculpteurs Alsaciens

Séquence 1 

   
 Landolin Ohmacht, Philippe Grass de Wolxheim, André Friedrich de Ribeauvillé, Auguste Bartholdi, Alfred Marzloff, Albert Schultz  


    La sculpture, comme l’ensemble des arts, a de tout temps été le témoin sublimé de l’inventivité, du sens de l’esthétique, des talents multiples des artistes qui ont forgé la très riche histoire de l’Art en Alsace. L’Alsace, terre d’élection de l’art roman s’est dotée d’abbayes et de châteaux, preuves de l’excellence de sa période médiévale. L’art gothique, dans sa forme la plus évoluée, le style rayonnant, s’y est épanoui du XIIème au XVème siècle. Puis, le foisonnement de tous les arts et surtout de la sculpture sur bois a abouti au baroque flamboyant. Sans omettre la Renaissance prolifique. Le rôle de l’Alsace dans ces grandes époques fut essentiel.

 

 

    Dans la première moitié du XIXème siècle, rares sont les édifices qui réclament l’adjonction de sculptures et donc la collaboration de statuaires. Citons, en nous inspirant du travail d’investigation de Robert Heitz, Landolin Ohmacht (1760-1834), d’origine souabe, à qui nous devons les six Muses qui ornent l’attique du théâtre de Strasbourg ainsi que le  monument érigé à la mémoire du général Desaix tombé à Marengo en 1800, toujours debout, face au Rhin, malgré les velléités destructrices des nazis. L’œuvre d’Ohmacht, de type néogothique, se caractérise, selon Robert Heitz toujours, par sa noblesse qui lui confère une irrémédiable froideur.

          Cinq de ses œuvres décorent les parcs de la ville de Munster. Il s’agit d’un Neptune, de deux griffons et de deux sphinx, quelque peu mutilés…


Sculpteurs alsaciens 01c

© Wordpress.com, 2011

Le buste d’Ohmacht

Par Grass de Wolxheim




Sculpteurs alsaciens 02c

Photo: Istra, 1973

Relief du monument Desaix




Sculpteurs alsaciens 03c

Photo: F. Walgenwitz

Neptune




Sculpteurs alsaciens 04c

Photo: F. Walgenwitz

Griffon





Sculpteurs alsaciens 05c

Photo: F. Walgenwitz

Sphinx




    

    

Philippe Grass de Wolxheim (1801-1876), son disciple, fut engagé au renouvellement de quelque 300 statues et reliefs de la cathédrale qui avaient été détruits par les iconoclastes de la Révolution. « Homme laborieux, il fit de son mieux, mais ses statues placées devant le portail sud, ne parviennent pas à concurrencer les divines figures de l’Eglise et de la Synagogue.»(2)

 

 

Sculpteurs alsaciens 06c© Istra, 1973

Icare


 

Sculpteurs alsaciens 07cLicence libre GNU

Erwin von Steinbach

Cathédrale de Strasbourg

 

 

Sculpteurs alsaciens 08cLicence libre GNU

Monument du général Kleber, 1840

Strasbourg



Sculpteurs alsaciens 09cLicence libre GNU

Bataille d’Altenkirchen

Bas-relief, piédestal du monument Kleber

 

 

 

André Friedrich de Ribeauvillé (1798-1877) qui est sorti des ateliers d’Ohmacht et a collaboré avec lui au Théâtre de Strasbourg, a suivi les cours de maîtres réputés un peu partout à travers le monde, notamment le fameux Thorwaldsen à Rome, nous apprend Robert Heitz qui porte sur lui ce jugement sans concessions: «Il a sans doute été un bon élève, docile, comme les aime chaque maître. Ce bon élève, sans personnalité, appliquant sans recherche, le métier appris, il l’est resté toute sa vie. Ses nombreux monuments en Alsace et en Pays de Bade relèvent tous de la même morne banalité.»

 

Sculpteurs alsaciens 10cPhoto: Musées de Strasbourg, M. Bertola

Portrait d’André Friedrich

Par Théophile Schuler (1821-1878)

Dessin préparatoire à une lithographie

 

 

Sculpteurs alsaciens 11cLicence libre GNU

Jean Hültz

Strasbourg

 

Sculpteurs alsaciens 12c© Archi-Wiki

Monument Pfeffel

Colmar

Copie de l’œuvre originale d’André Friederich par Charles Geiss, 1927

 

 

    Enfin, Bartholdi vint!...Robert Heitz reconnaît en lui «un artiste d’une autre classe». Il salue son talent, sa facilité, mais il n’est, dans sa critique, guère plus indulgent qu’envers Friedrich… «Cette facilité même, qui lui a valu la grande vogue internationale, finira par tuer en lui l’artiste. Chose regrettable, cet auteur d’innombrables monuments est assez dépourvu du sens monumental. Il a l’excuse d’avoir vécu à une époque qui considérait précisément comme une preuve de mauvais goût toute tendance à la simplicité monumentale. Il s’agit là d’une réaction compréhensible, contre l’austérité glaciale du style académique installé comme art officiel depuis la révolution et l’Empire.»

    Donnons, immédiatement à Bartholdi, «l’auteur de la plus grande femme et du plus grand lion du monde», selon Hans Haug, l’occasion de faire appel de ce jugement…

 

 

Auguste Bartholdi (1834-1904)

 

Sculpteurs alsaciens 13cMusée Barthodi Colmar - photo C. Kempf

Auguste Bartholdi, par Jean Benner, 1886

 

   

    Il aura fallu la conjonction de plusieurs événements pour que se manifeste un regain d’intérêt pour l’homme et son œuvre, après cinquante ans de quasi silence. Il s’agit du cinquantième anniversaire de sa mort, du centième anniversaire de l’inauguration de la statue de la Liberté et de l’ouverture du musée d’Orsay qui réhabilita l’art du XIXème siècle…

    Né le 2 août 1834, à Colmar, l’enfance d’Auguste Bartholdi se déroule dans un contexte culturel humaniste, progressiste. Il n’avait que deux ans et son frère Charles, cinq, quand leur père est emporté par un cancer. C’est leur mère, Charlotte, qui gère désormais le patrimoine familial et assure l’éducation de ses fils. Elle encourage leurs talents naissants pour le dessin et les initie à la musique. En 1843, elle s’installe avec eux à Paris, rue Denfert, afin de leur offrir le meilleur en terme d’instruction.

    Au lycée Louis-le Grand, Auguste est jugé turbulent, léger, décontracté. Il dessine pendant les cours, ne travaille pas assez. Cependant, en candidat libre il décroche le bac en 1852. L’année précédente, Charlotte se rend avec ses fils à l’Exposition universelle de Londres, manifestation éclatante du progrès apporté par la Révolution industrielle. Puis elle organise pour eux un itinéraire touristique à travers la France.

    C’est l’époque où la famille Bartholdi se rapproche du «peintre- poète» Ary Scheffer (1795-1858) adepte du libéralisme bien que luthérien. Ils ont en commun la culture allemande et le goût pour l’Alsace. Auguste devient son élève attitré. Les trois premières œuvres connues de Bartholdi ont été réalisées «sous le regard tutélaire» de Scheffer, dont Le bon Samaritain, réalisé à 19 ans, qui se trouve au musée d’Orsay.

 

Sculpteurs alsaciens 14cMusée Bartholdi Colmar – photo C. Kempf
Transposition en bas-relief du tableau d’Ary Scheffer «Françoise de Rimini», 1835

 

    Plus profonde et déterminante encore fut l’influence du poète et écrivain Conrad Théophile Pfeffel, qui a connu Goethe, Schiller, Lessing, Wieland…animateurs du mouvement Sturm und Drang, en rapport avec l’Ordre des Illuminati. Ce dernier, version radicale de la Franc-maçonnerie, prônait, dans une même quête, «une société laïque, où la société serait libérée de sa fonction normative, coercitive et intrusive. Il s’agissait de libérer les peuples de l’oppression et des superstitions.» (1)

 

Sculpteurs alsaciens 15cMusée Bartholdi – photo C. Kempf

Théodore-Conrad Pfeffel (1736-1809)

Maquette en plâtre blanc, projet non retenu. - 1857

 

 

    En 1855, à vingt ans, Auguste Barthodi répond à l’appel de l’Orient. A l’instar de Pfeffel, il se considère comme un citoyen du Monde. Son inclination maçonnique l’y prédispose. Ce sera, dans le cadre d’une mission que lui a confié le ministère de l’Instruction publique, qu’il parcourra l’Egypte en compagnie du peintre franc-comtois Jean-Léon Gérôme. Pionnier en photographie, une technique qui le passionne, il devient chasseur d’images. De ses pérégrinations il rapporte 103 photos, mais également 211 dessins et 28 études à l’huile car il s’intéresse aussi à la couleur.

Sculpteurs alsaciens 16cMusée Bartholdi – Reproduction © C. Kempf

Au matin du Nil

Huile sur carton

 

 

    Le moment décisif de son itinéraire artistique est la confrontation avec le gigantisme des monuments au service d’une ambition métaphysique. De là, son goût pour la monumentalité qui se veut un moyen d’échapper à l’académisme. C’est là qu’il forge sa philosophie de la sculpture, conçue «comme un élément révélateur et refondateur d’un site, d’un espace, d’une identité, d’une idée.» (1)

    Au lendemain du retour d’Egypte sont inaugurés le monument dédié au général Rapp et la «fontaine-statuaire» en hommage à Martin Schongauer. Parmi les sculptures qui ornent le bassin, Auguste Bartholdi s’est représenté lui-même. C’est probablement son seul «autoportrait».

 

Sculpteurs alsaciens 17cPhoto: F. Walgenwitz

Le général Rapp

 

Sculpteurs alsaciens 18c© Archi-wiki

Martin Schongauer

Statue qui surmontait la fontaine-piédestal de style néogothique, érigée en 1863 dans le cloître du couvent des Unterlinden

Musée Unterlinden

                                                            

Sculpteurs alsaciens 19cMartin Schongauer tient en main une plaque de cuivre dont il détache une épreuve sur papier

 

 

    La ville de Colmar lui confie, en 1857, de concevoir un hommage à l’amiral Bruat qui avait combattu en Crimée, notamment au siège de Sébastopol. Ce sera une autre «fontaine-statuaire», formule de prédilection du sculpteur. Les quatre figures allégoriques dont la fontaine est parée et qui sont d’une étonnante expressivité, symbolisent les expéditions et voyages entrepris par l’amiral. Parmi elles, remarquons l’Océanie au visage exotique, «prouesse de spontanéité et de beauté. Peut-être la plus belle femme qu’il ait sculptée.».(1) C’est l’épouse, d’origine mexicaine par sa mère, d’un avocat colmarien Jules-Mathieu de Saint-Laurent (arrière-grand-père du célèbre couturier)  qui fut choisie comme modèle. Arrêtons-nous également devant le Noir africain de belle allure qui inspira au jeune Albert Schweitzer sa vocation humanitaire.

    Victime, en grande partie, du vandalisme nazi, le monument fut en partie reconstruit en 1958. La maquette de l’œuvre est conservée au musée Bartholdi.

 

 

Sculpteurs alsaciens 20cMusée Bartholdi – photo C. Kempf

L’Océanie

Tête du monument Bruat

 

    En représentant des victimes de la colonisation, Bartholdi a fait de ce monument un manifeste de la tolérance, de l’humanisme, de la liberté en écho à ses convictions maçonniques. Et ce, à une époque où le colonialisme était amplement justifié par sa mission civilisatrice.

    Autre projet éminemment maçonnique: un phare pour Suez dont l’isthme va être percé par son ami Ferdinand de Lesseps, en 1869. Il ne se réalisera pas, mais il aura le mérite d’inspirer à Gustave Bartholdi le «Liberté éclairant le Monde». La maquette en terre cuite, conservée au musée Bartholdi  en témoigne.

Sculpteurs alsaciens 21cMusée Bartholdi – Reproduction © C. kempf

Projet de phare pour Suez, 1869

Le diadème sert de source lumineuse

 

    Auguste Bartholdi participe activement à la guerre de 1870, sous les ordres du républicain Gambetta, en tant que délégué auprès de Garibaldi. Plaçant haut les valeurs de la République et de la Démocratie, il est profondément affecté par l’annexion de l’Alsace à l’Empire allemand. Son engagement comme chef d’escadron des Gardes Nationaux, le porte à réaliser le tombeau des trois Gardes, Voulminot, Wagner et Linck, tués le 14 septembre 1870 sur le pont de Hombourg lors de l’entrée des troupes prussiennes dans la ville. Le monument funéraire, en grès rose des Vosges et en bronze a été inauguré en septembre 1872. Il représente un soldat qui soulève la pierre tombale et cherche à saisir son épée pour continuer le combat.

    La tombe connaîtra le sort de bien des manifestations du patriotisme alsacien: en 1916, elle est démantelée et reléguée au musée Bartholdi. En 1919, elle est remise en place. En 1940, elle est détériorée et enlevée par les nazis. Enfin, en 1945, à la Libération, elle réintègre sa place au cimetière du Ladhof

 

Sculpteurs alsaciens 22c© Archi-wiki

Le tombeau des Gardes Nationaux

Cimetière du Ladhof à Colmar

Sculpteurs alsaciens 23c

 

                                                                      

 

 

Sculpteurs alsaciens 24cMusée Bartholdi – Reproduction © C. Kempf

Green River (Utah), 1871

Aquarelle, lavis et gouache

 

    Au lendemain de la guerre de 1870, Auguste Bartholdi part aux Etats-Unis

    L’Amérique est à la mode. Certains républicains regardent les institutions des USA comme le modèle que la France devrait adopter. Auguste Bartholdi va y faire des rencontres utiles d’hommes politiques, jusqu’au président Ulysses S. Grand. Se révèle en lui une remarquable aptitude à s’intégrer dans les cercles influents. Une Union Franco Américaine est créée pour recueillir les fonds nécessaires pour la réalisation de la statue de la Liberté qui sera un hommage à la jeune démocratie dont l’indépendance date de1776.

    Bartholidi choisit d’habiller la statue de cuivre repoussé. Il confie le soin de concevoir la structure métallique à Gustave Eiffel. «Le monument est monté à Paris, démonté, transporté en caisses, par bateau, puis remonté à New-York. Soit 120 000 kg de fer, 80 000 kg de cuivre. Les rivets, rondelles, boulons occupent 36 caisses.» (1)

    La statue édifiée sur Bedloe’s Island, mesurera 93 m de haut!...

 

 

Sculpteurs alsaciens 25cDomaine public

La liberté

Jardin du Luxembourg

 

 

    La réalisation sera longue et difficile. Il faudra compter 15 ans jusqu’à l’inauguration, en 1886. Les raisons sont d’ordre financier, politique,  et géopolitique. L’argent de la souscription tarde à venir. Il faut vaincre l’indifférence de certains milieux américains  englués dans la doctrine «Monroe». Les Américains rechignent à financer le piédestal. Enfin, grâce à quelques hommes politiques et hommes d’affaires en majorité francs-maçons, le financement est acquis. Au grand soulagement de Bartholdi, l’inauguration  est célébrée le 28 octobre 1886 en présence du Président Stephen Grover Cleveland.

    La réalisation du Lion de Belfort ne sera pas non plus un long fleuve tranquille. En fait, il sera long, mais pas tranquille du tout…

    En 1871, le conseil municipal de Belfort décide d’édifier un monument dédié à la vaillante résistance du colonel Denfert-Rochereau, faisant de Belfort le symbole de «l’honneur dans la défaite». La demande est faite à Bartholdi en 1972. Sur le modèle égyptien de Gizeh, il décide d’utiliser l’espace au maximum. Il imagine donc un lion gigantesque adossé aux escarpements de la citadelle, un animal monumental visible de partout. «Une œuvre bien personnelle à la ville, dit-il au maire, non un de ces monuments qui puissent se placer n’importe où, accompagné d’allégories complexes péniblement cherchées…» Elle démentira le soupçon d’académisme qui colle à sa mémoire d’artiste sérieux, par son expression de force tranquille, son individualité et sa parfaite intégration dans le paysage.

    Son sujet est retenu en 1973 avec, à la clé, une souscription nationale. Celle-ci, malgré les pâles résultats obtenus à Belfort même, un paradoxe, rencontre un franc succès. Les sommes récoltées atteignent le double du montant des frais escomptés. Mais le lion se fait attendre!...

 

Sculpteurs alsaciens 26cMusée Barthodi – Reproduction © C. Kempf

Le Lion de Belfort

Carte postale

 

 

    Ce n’est qu’en 1888, à l’annonce de la visite du président de la République, Sadi Carnot, que le gigantesque félin sera installé, l’inscription commémorative gravée, le rocaillage du piédestal achevé…Pour autant, Auguste Bartholdi n’est pas au bout de ses peines: la propriété intellectuelle de son lion n’est pas respectée. Peu rancunier, il s’engage avec la municipalité, dans la conception d’un monument commémoratif dédié aux protagonistes des trois sièges que l’Histoire a imposés à Belfort: le commandant Legrand (1813-14), le général Lecourbe (1815) et le colonel Denfert-Rochereau (1871). Ce sera le Monument des Trois Sièges qui se dresse place de la République. Bartholdi peut présenter sa maquette au Salon de Paris en 1903, mais son décès survenu le 4 octobre 1904 le prive d’assister à l’inauguration de son  ultime œuvre.

    Notons que Jeanne-Emilie, son épouse devra se battre pour que le monument soit achevé dans le respect des idées de Bartholdi. Le 15 août 1913, un an avant sa mort, elle assiste, enfin, à l’inauguration du monument des Trois Sièges.

    Souffrant d’être coupé de ses racines et de ses biens, l’Alsace étant devenue inaccessible, la petite province perdue fut une de ses principales sources d’inspiration. En témoignent les monuments dont il a doté Colmar:

       1856 – Monument au général Rapp (Place Rapp)

       1863 – Monument Schongauer (Musée Unterlinden)

       1864 – Fontaine-statuaire à l’amiral Bruat (Champ de Mars)

       1869 – Le petit Vigneron (Marché couvert)

       1888 – Fontaine Roesselmann (place des 6 Montagnes noires)

       1894 – Monument à Gustave-Adolphe Hirn (Square)

       1898 – Fontaine Schwendi (Place de l’ancienne Douane)

       1902 – Grands Soutiens du Monde (Cour du musée Bartholdi)

       1902 – Le Tonnelier alsacien (Pignon de la Maison des Têtes

Lors de l’inauguration de la fontaine Roesselmann, «les officiels découvrent avec quelque irritation que le héros rebelle du XIIème siècle, qui les toise du haut de son piédestal, porte les traits du très francophile Peyrimhoff, à qui les autorités allemandes avaient demandé la démission de son poste de maire. Il s’agit d’un malicieux clin d’œil de Bartholdi à ceux qui, dans sa ville natale, ne désespèrent pas de retrouver un jour leur patrie perdue». (4)

 

Sculpteurs alsaciens 27cPhoto: F. Walgenwitz

Roesselmann

 

Sculpteurs alsaciens 27bcPhoto: F. Walgenwitz

Schwendi

 

 

Sculpteurs alsaciens 29cPhoto: F. Walgenwitz
Monument Hirn
Colmar


Sculpteurs alsaciens 30cPhoto: F. Walgenwitz
Grands soutiens du Monde, 1902
Cour du musée Bartholdi

Sculpteurs alsaciens 31cMusée Bartholdi – photo C. Kempf
Le Tonnelier
Etain, pignon de la Maison des Têtes
Esquisse de 1901. Le pichet est remplacé par une bouteille, le gobelet par un verre à pied, le maillet placé sur le flanc gauche

 

 

    Ses dernières grandes œuvres attestent son immuable patriotisme dans Gambetta, les Aéronautes de 1870-71, La statue équestre de Vercingétorix,  La Suisse secourant les douleurs de Strasbourg pendant le siège de 1870-71, sculpté dans un bloc de marbre blanc, qu’il offre à la ville de Bâle et qui lui vaut, au Salon de Paris, la médaille d’honneur de sculpture, ultime consécration.

Sculpteurs alsaciens 32cMusée Bartholdi – Reproduction © C. Kempf

Gambetta

 

 

Sculpteurs alsaciens 33cMusée Bartholdi – photo C. Kempf

Monument aux aéronautes du siège de Paris, 1906

Maquette, 1902



Sculpteurs alsaciens 34cMusée Barthodi – Reproduction © C. kempf

Statue équestre de Vercingétorix

Esquisse. Statue édifiée à Clermont-Ferrand en 1903

 

 

Sculpteurs alsaciens 35cMusée Bartholdi Colmar – Reproduction © C. Kempf

La Suisse secourant les douleurs de Strasbourg, 1895

Réduction en bronze du groupe sculpté

 

 

 

Au temps du Reichsland (1871-1918)

 

 

    Parmi les nombreuses statues érigées durant l’ère allemande de 1871 à 1918 perdues pour la plupart «sans qu’il y ait eu lieu d’en déplorer la perte», Robert Heitz retient le monument dédié au jeune Goethe, placé devant l’université, dû au sculpteur allemand E. Waegener (1904), «d’une exécution correcte»! Il évoque également les mésaventures de «la grande figure de bronze du «Vater Rhein», érigée Place Broglie, malencontreusement placée, puisqu’elle «offrait aux spectateurs  sortant du théâtre, la partie charnue de son anatomie et devint ainsi rapidement la cible de la verve populaire». C’était pourtant une œuvre de valeur «qui valait bien la plupart des monuments strasbourgeois» (5), due à Adolf Hildebrand, le rénovateur en Allemagne du style classique, reconnaît notre critique avisé. Le «Père Rhin» déserta Strasbourg pour les bords de l’Isar à Munich, en échange du charmant et espiègle Meiselocker qui égaie, depuis, la paisible Place St-Etienne.

 

 

Alfred Marzolff (1867-1936)

 

Sculpteurs alsaciens 36cCollection particulière

Alfred Marzolff par Emile Schneider

 

 

 

    C’est le «Mouvement de Saint-Léonard», initié par Anselme Laugel et Charles Spindler, né, «comme un conte de fées» au pied du Mont Sainte-Odile, qui mit fin à la prépondérance des sculpteurs allemands en permettant à Alfred Marzolff (1867-1936) de s’affirmer. Robert Heitz lui reconnaît un tempérament fougueux, «très viril», qui le rapproche de Rodin et qui n’est pas sans rappeler «la passion douloureuse des «Bourgeois de Calais» ou de la «Porte de l’Enfer». Ses ébauches, au modelé rugueux, impressionniste, le rapprochent également du Maître parisien. Peu de ses œuvres ont survécu au vandalisme nazi, notamment ses monuments aux morts. «Encore, affirme Heitz, ne faut-il pas juger le maître sur ses œuvres trop achevées à notre goût, qui sont largement le travail de praticiens. Les maquettes que j’ai vues jadis dans son atelier témoignent mieux de son inspiration et de la puissance de son modelé.»

 

Sculpteurs alsaciens 37c© Istra, 1973

Maquette de la «Marseillaise»

 

 

Sculpteurs alsaciens 38c© Archi-Wiki

Médaillon d’Emile Salomon

 

 

Sculpteurs alsaciens 39c© Archi-Wiki

Jacques Sturm, Strasbourg

 

 

Sculpteurs alsaciens 40c© Archi-Wiki

Victor Nessler, Orangerie

 

 

Sculpteurs alsaciens 41c© Archi-Wiki

Le Pelleteur

Restauré par Jean Henninger en 1945

 

         

    A l’opposé de la conception esthétique de Marzolff, il y a Albert Schultz

 

 

 

Albert Schultz (1871-1953)

 

Sculpteurs alsaciens 42cRevue Alsacienne Illustrée, 1909

Albert Schultz

 

 

 

Les promeneurs de l’Orangerie sont toujours sous le charme de la fine silhouette de sa Gaenzeliesel qui, revenant du marché du Corbeau, défend son panier de victuailles des assauts d’une oie. Commandée en 1898 par l’architecte de la ville M. Ott, elle a été placée là, au milieu d’un magnifique parterre de fleurs. L’amusante anecdote est évoquée dans un élégant mouvement, symbole de liberté. Elle est devenue si populaire qu’elle est un des emblèmes de Strasbourg au même titre que l’Homme de Fer.



Sculpteurs alsaciens 43c© 2020 COTAD

S’Gaenseliesel

Parc de l’Orangerie

 

 

    Albert Schultz est né le 15 avril 1871 au N°24, rue de l’Or à Strasbourg. Son père, Michel-Jacques était menuisier-ébéniste. Il se marie en 1896, à Paris, avec sa cousine-germaine, Caroline Schultz. Albert Schultz est décédé le 6 décembre 1953, à Strasbourg.

    Il fréquente l’Ecole des Arts Décoratifs de sa ville natale de 1891 à 1892. Ensuite, et jusqu’en 1895, il poursuit ses études à Munich, suite à l’obtention d’une bourse, sous la direction de Dock et de Von Ruemanns. «Les quatre Saisons» qui ornent la façade de l’ancien Magmod, rue du 22 Novembre à Strasbourg, datent de son retour de Munich. Il installe son premier atelier de sculpture dans le quartier de la Krutenau. Après 1896, il se fait construire, 7, rue du Cimetière Militaire, une maison «néo-régionale» à pans de bois et oriel ouvragé de sculptures, assortie d’un atelier où il sera actif jusqu’en 1924. A partir de 1924 et jusqu’à sa mort, il habite et travaille au N° 9, boulevard Déroulède.

 

 

Sculpteurs alsaciens 44c© Archi-Wicki

L’Automne

Façade de l’ancien Magmod

 

    Dans la période allant de 1934 à 1939, il est professeur à l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg, sous la direction de Georges Ritleng. Chevalier de la Légion d’Honneur, Officier de l’instruction Publique, Membre de la Société des Artistes Alsaciens, Albert Schultz jouit de la considération de ses pairs et de l’affection de ses élèves.

    Son œuvre abondante et variée inspire le plus grand respect  et une admiration sincère à Marc Lenossos qui reconnaît que Schultz demeure marqué par son époque qu’on pourrait qualifier de «néoromantique», sensible à la finesse «jolie» qui plaisait au début du siècle. Alors que Robert Heitz, plus tranchant, déplore qu’il soit «devenu la victime de l’académisme»…

    Cependant, nos deux éminents critiques sont d’accord pour affirmer qu’Albert Schultz est à la fois un incomparable modeleur et un exquis créateur de statuettes. Dans tous les cas l’exécution est admirable et remarquablement consciencieuse. Point d’improvisation ni de taille directe…

    De son œuvre monumentale considérable se distinguent notamment «Herrade de Hohenburg» et «Frédéric Barberousse» du Musée Historique de Haguenau, les allégories des quatre saisons de la façade de l’ancien Magmod, «L’ange pacificateur» du monument aux morts d’Enzheim qui est «très noble et fort beau; les draperies qui le voilent sont dignes de Jean Goujon», reconnaît Marc Lenossos. Si le goût est parfois discutable, cela est dû aux exigences souvent surprenantes des commanditaires. On pourrait citer itons l’exemple de Rouffach…

    Marc Lenossos est d’avis que Schultz a concentré le meilleur de son œuvre dans «des œuvres d’appartement», c’est-à-dire de dimensions réduites. «La fille des Géants du Nideck» est considérée comme un pur chef-d’œuvre. Le groupe de vendangeurs plaît par sa composition pyramidale, l’élégance des formes et le «naturel» des attitudes. Ses nombreuses médailles et bas-reliefs étonnamment expressifs et finement précis sont des œuvres d’art parfaites.

          Harmonie et pureté des lignes, vérité des mouvements, beauté plastique s’imposent à nous et forcent notre admiration.

 

Sculpteurs alsaciens 45c© Musées-Archives Haguenau

Herrade de Hohenburg

Musée historique de Haguenau


Sculpteurs alsaciens 46c© Musées-Archives Haguenau

Frédéric Barberousse

Musée historique de Haguenau

 

 

Sculpteurs alsaciens 47cPhoto: Vie en Alsace

Vendangeurs

 

 

Sculpteurs alsaciens 48cPhoto: La Vie en Alsace, 1937
Roses et Epines
Photo: Musées de Strasbourg. M. Bertola

 

Sculpteurs alsaciens 49cLe Coq du Pont du Rhin

Bronze patine noire

Musée des Arts modernes et Contemporains de Strasbourg. Legs 1954


Sculpteurs alsaciens 50cPhoto: Musées de Strasbourg. M. Bertola

Jeanne d’Arc brisant son épée

Musée des Arts Modernes et Contemporains de Strasbourg

 

 

Sculpteurs alsaciens 51cPhoto: Musées de Strasbourg. M. Bertola

Phryné

Bronze doré, legs 1954

Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg


Sculpteurs alsaciens 52c© Musée Westercamp – Ville de Wissembourg

Maquette de l’ancien monument français de Wissembourg

(Colline du Geisberg)

 

 

Sculpteurs alsaciens 53c© Musée Westercamp – Ville de Wissembourg

Monument français du Geisberg

Photo prise avant l’enlèvement des quatre emblèmes aux coins du socle. Ces emblèmes dont la suppression a été demandée par les autorités allemandes, furent enlevés le 18 octobre 1909, avant-veille de l’inauguration. Ils symbolisaient les quatre grandes époques au cours desquelles on se battant autour de Wissembourg

A droite de la photo, Albert Schultz, auteur du monument.

 

 

Sculpteurs alsaciens 54c© Musée Westercamp – Ville de Wissembourg



 

        «A l’appel de son coq claironnant et fier se réveillèrent soudain les échos d’une Marseillaise prohibée. Ce fut comme un sursaut de la fidélité française à l’occasion de l’érection d’un immortel chef-d’œuvre.»

Marc Lenossos           



 

    Professeur à l’Ecole des Arts Décoratifs, Albert Schultz a compté parmi ses élèves Paul Spindler pour la sculpture et le modelage, domaine dans lequel le jeune talent du fils de Charles s’est  pleinement affirmé

    Paul Spindler représente ses amies, les jeunes filles Bugatti, des visages expressifs, des attitudes marquées du sceau de l’élégance et du naturel. Il sculpte ses proches et notamment son père, une réalisation immortalisée par Charles Spindler dans son autoportrait avec Paul en train de le sculpter dans l’atelier de Saint-Léonard. Il sculpte en plâtre Lothard von Seebach, son professeur de peinture qu’il fréquente dans son atelier perché dans la vieille tour de l’hôpital de Strasbourg. Il manifeste son amour pour le bois en sculptant en tilleul recouvert de placages de loupes diverses, le chat de la maison

 

 

Sculpteurs alsaciens 55c© ADAGP 2005

Charles Spindler

Autoportrait avec Paul sculptant le buste de son père – Aquarelle – vers 1931

 

 

Sculpteurs alsaciens 56c© ADAGP 2005

L’Enfant B., 1948

 

 

Sculpteurs alsaciens 57c© ADAGP 2005

Lothar von Seebach

Sculpture en plâtre

 

 

 

Sculpteurs alsaciens 58c© ADAGP 2005

Le Chat (vers 1930)

Tilleul recouvert de placages de loupes diverses

 

 

 

 

Bibliographie

 

 

 

-       Collectif – Le Travail des Sculpteurs – Les racines du Savoir, Gallimard – 1993

        

-       Mary-Jane Opie – La Sculpture – Passion des Arts, Gallimard – 1995

        

-       Karine Delobbe – Histoire d’un Art: La Sculpture – Ed. PEMF – 2002

        

-       Robert Heitz (2) – Etapes de l’Art alsacien XIXème et XXème siècles – saisons d’Alsace N° 47, 1973

        

-       Gabriel Andrès - L’Art Contemporain en Alsace depuis 1950 – Saisons d’Alsace N° 47, 1973

        

-       Robert Belot – Bartholdi, L’homme qui inventa la liberté – Ellipses – 2019

        

-       Robert Belot (1) – Bartholdi, portrait intime du sculpteur – I.D. l’Edition – 2016

        

-       Ville de Colmar – Musée Bartholdi – Exquises esquisses, dessins d’Auguste Bartholdi, 1834-1904 – Musée Bartholdi 2014

        

-       Michel Loetscher et Jean-Charles Spindler (3)- Charles, Paul, Jean-Charles Spindler, un siècle d’art en Alsace – La Nuée Bleue, 2005

        

-       Gabriel Braeuner – L’Alsace au temps du Reichsland. Un âge d’or culturel – Ed. belvédère – 2011

        

-       Charles Wentinck – Histoire de la Peinture européenne – Marabout Université – 1961

        

-       Gilles Pudlowski – Dictionnaire amoureux de l’Alsace – Ed. Plon, 2010

        

-       Aimé Dupuy – L’Ecole municipale des Arts décoratifs de Strasbourg – La Vie en Alsace

        

-       Camille Claus – 1, Rue de l’Académie – Saisons d’Alsace

        

-       Janine Erny (4) – Théophile Klemm (1849-1923). Un maître de l’art sacré – Editions du Net, 2012

        

-       Robert Heitz (5) – Les sculptures de l’Orangerie – La Vie en Alsace

        

-       Marc Lenossos – Le Sculpteur Albert Schultz – La Vie en Alsace, 1937

        

-       Hans Haug – L’Art en Alsace – Arthaud, 1962

      

-       Alexandre Dumas – Causeries d’un voyageur, de Nerval à Ohmacht – «Le Pays», 1854

 


 


 

 

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